Momon, Denis Bar, Saint-Henri © Yohanne Lamoulère

Yohanne Lamoulère – Main basse sur Marseille au Théâtre du Merlan

La clé des hors-champs

 

Au Merlan, Yohanne Lamoulère nous propose un arpentage photographique des quartiers populaires de Marseille, tout en couleurs et en rencontres.

 

L’exposition de Yohanne Lamoulère, Main basse sur Marseille, s’intègre au projet de photographie documentaire « La France vue d’ici », organisé par Mediapart et imageSingulières, qui offre le témoignage de vingt-quatre photographes sur des réalités sociales françaises diverses. Le projet sera terminé juste avant les élections présidentielles de 2017, afin de livrer le portrait d’une France en proie aux doutes.

La jeune photographe de presse marseillaise traduit visuellement les mutations qui ont transformé la cité phocéenne depuis les années 2000 et les « hors-champs » de la ville. Main basse sur Marseille s’inscrit ainsi dans la continuité de la série Faux Bourgs (2009), qui explorait la géographie des quartiers Nord marseillais — où elle vit —, exposant des tranches de vie festives et décalées. D’emblée, on est frappé par la lumière crue et intense des clichés, soleil de midi ou éclairages au néon, qui nous éblouissent. Les individus ou espaces « hors-champs » sélectionnés par l’artiste nous emmènent à la rencontre des quartiers populaires de la ville, loin du battage médiatique sensationnel, à travers des instants de grâce, où des enfants, hommes et femmes se livrent et parlent de leur quartier. Ces lieux, capturés au hasard des déplacements de la photographe, deviennent des scènes où un guetteur redevient, le temps d’une photo, un enfant qui languit au soleil et où un terrain vague prend des allures de prairie. On reconnait dans les clichés de Yohanne Lamoulère un désir de photographier des héros du quotidien afin de nous révéler leur histoire singulière. La photographe raconte que le cœur de sa pratique se situe dans la rencontre avec les gens et dans les instants de partage créés. Les photographies sont toutes offertes à leurs modèles, comme un cadeau afin de les remercier de lui avoir donné leur image l’espace d’un instant. A travers les portraits et prises de vue du paysage urbain, on aperçoit une ville bétonnée, immuable et maritime, où le bord de mer reste l’attraction préférée de ses habitants, mais aussi une cité en résistance à la mondialisation. Les photos ne traitent pourtant pas des constructions à sensation des plans de renouvellement urbains, mais bien des opérations de grande ampleur qui s’étendent en direction des quartiers Nord de la ville et qui en détruisent l’urbanité pour mieux les recomposer. On retient de ces clichés une énergie de vivre plus forte que la grisaille, l’enclavement et la crise économique. Armée de son Rolleiflex, Yohanne Lamoulère nous offre ainsi toute la beauté et les paradoxes propres à la cité phocéenne, dont elle défend les particularismes et la diversité.

Florence Pondaven

 

Yohanne Lamoulère – Main basse sur Marseille : jusqu’au 11/02/2017 au Théâtre du Merlan (Avenue Raimu, 14e).
Rens. : 04 91 11 19 20 / www.merlan.org

Pour en (sa)voir plus :
yohanne.lamoulere.book.picturetank.com
www.lafrancevuedici.fr/encours-main-basse-sur-marseille.php
www.lafrancevuedici.fr/encours-main-basse-sur-marseille-2.php