Web Side Story

Web Side Story

Web Side Story

Ou comment un fan de mythologie s’est retrouvé à la tête de deux cartons du Web.

Le pouvoir viral d’Internet est tel qu’une idée toute bête suffit parfois à créer un véritable phénomène. Ainsi du concept d’Alex Tew, cet étudiant anglais devenu millionnaire en quelques mois en vendant… des pixels (1) ! Ce n’est pas Pierre Germain qui nous contredira. Son idée, le fondateur de l’éditeur de logiciels Gerwin l’a trouvée… devant une machine à café. Nous sommes en 2002, le jeu Qui veut gagner des millions vient de débarquer en France. Tout le monde en parle, de l’accro au Trivial Pursuit à la fameuse ménagère de moins de cinquante ans. « Au boulot, j’ai constaté que des gens de profils très différents étaient sensibles au concept. C’est ça qui m’a interpellé, plus que le principe même de gagner un paquet de pognon très facilement. » Pierre est alors ingénieur dans les télécommunications, Internet est son domaine ; il s’étonne que l’idée n’ait pas été exploitée sur la toile.
Dans sa chambre, aidé d’un ami, le jeune homme va alors imaginer un quiz en ligne en s’inspirant de sa passion pour la mythologie : Mon légionnaire est né. « La structure hiérarchique et l’univers “faussement viril” de la légion romaine s’adaptent très bien à un jeu… Et puis la chanson de Piaf parle à tout le monde. » Bien que le but de la manœuvre ne soit pas professionnel a priori (« Je voulais juste créer une communauté à taille humaine, avec un niveau de jeu assez élevé »), très vite, le site connaît un relatif succès. Le système de parrainage et le bouche-à-oreille attirent près de 2 000 à 3 000 personnes par jour.
Il faut donc alimenter le site avec des nouveaux QCM (questionnaires à choix multiples). Or, non seulement Pierre n’est pas omniscient, mais il travaille ailleurs pour gagner sa vie. Il décide donc rapidement de tirer parti de la communauté, et amène les joueurs eux-mêmes à contribuer au site en posant des questions à leur tour. Au niveau financier, les achats de parties supplémentaires (plus que la pub, dont les revenus ne sont finalement que marginaux) permettent de payer les serveurs et les lots offerts aux gagnants.
En 2005, le jeu devient une référence : avec le système de classements privés — qui permet aux membres d’une petite communauté (famille, bande d’amis, école…) de jouer entre eux —, presque toutes les grandes écoles de France et de nombreuses entreprises fréquentent assidûment le site, qui compte près de 600 000 inscriptions. Pierre et son acolyte, qui ont constitué une SARL afin d’être dans la légalité, passent de plus en plus de temps à faire tourner le site. En 2006, Pierre s’y met à plein temps et Ronan Joncour le rejoint dans l’aventure pour prendre en charge la partie rédactionnelle.
Parallèlement, de nombreuses structures — noyautées par des fans de « Mon Lég’ » — font appel à Gerwin pour leur fournir du contenu. Un partenariat se monte notamment avec Eurosport, que Gerwin alimente encore aujourd’hui en quiz. En 2007, c’est Effervescence, société conceptrice de Tout le monde veut prendre sa place sur France 2, qui les contacte pour créer une version du jeu en ligne. A l’instar de son pendant télévisuel, le jeu cartonne : plus d’un million de personnes sont aujourd’hui inscrites sur le site.
Fort de ce succès, Gerwin, installée dans une pépinière d’entreprises au cœur de l’Europole de l’Arbois, compte désormais cinq salariés, qui planchent actuellement sur l’adaptation d’un nouveau jeu, Duel, qui verra le jour début juillet, simultanément sur France 2 et sur Internet. Un nouveau succès annoncé pour Pierre, qui continue de percevoir ce qui est désormais son boulot en vrai passionné : « Internet abolit le temps et l’espace. Il y a une force communautaire : chacun amène un tout petit quelque chose pour aboutir à quelque chose de phénoménal. J’aime canaliser ces énergies, en être au cœur. »

CC

www.monlegionnaire.com
http://tout-le-monde-veut-prendre-sa-place.france2.fr/

(1) Le jeune homme a créé une page Web vide, The million dollar homepage, découpée en un million de pixels, vendus un dollar pièce. En moins d’un mois, un tiers de la page était rempli en ayant rapporté à son créateur plus de 300 000 $.