Un crime - (USA - 1h42) un film de Manuel Pradal, avec Harvey Keitel, Emmanuelle Béart…

Un crime – (USA – 1h42) un film de Manuel Pradal, avec Harvey Keitel, Emmanuelle Béart…

Dans la tendance « polar froid et contemporain » qui refait surface depuis quelques années avec une vigueur quelque peu versatile, il y a ceux… (lire la suite)

Lisse majesté

Dans la tendance « polar froid et contemporain » qui refait surface depuis quelques années avec une vigueur quelque peu versatile, il y a ceux qui sont touchés par la grâce (El Aura), ceux qui sombrent à peu près aussi vite qu’ils se sont élevés (Romanzo criminale) et enfin ceux qui se déroulent doucement, sans sourciller et sans trop savoir où se situer dans l’histoire du genre. Des films bien éclairés, sobrement cadrés et tout juste bien montés, dont on se dit qu’ils se regardent, juste avant de les oublier. Un Crime est donc un film anodin. Ni bon, ni mauvais, juste un film de plus dans la longue litanie d’un automne cinématographique décidément grisâtre. L’idée est pourtant originale et titille même, l’espace d’un instant, l’esprit malade du critique en mal de souvenir : une jeune femme décide de faire accuser au hasard un chauffeur de taxi d’un meurtre commis trois années auparavant. Elle croit ainsi pouvoir gagner l’amour d’un homme, le sauver et se sauver. Voilà un beau personnage, et on ne dit pas ça uniquement parce qu’il est interprété par Emmanuelle Béart. Sans éventer le faux retournement de situation final, on pense même épisodiquement à Welles, à La Soif du Mal, à Hank Quinlan, ce flic qui élabore des fausses preuves et finit toujours par avoir raison. Et puis c’est tout. C’est fluide comme la pluie sur New York, ça se déroule tranquillement et ça s’arrête sans que l’on n’ait jamais été surpris par quoi que soit, sans qu’un seul de ces jolis plans ne nous ait saisi ou pris à la gorge. Une question finit quand même par nous tarauder un peu : comment fait-on, lorsqu’on arrive à débaucher un acteur de l’intensité physique d’Harvey Keitel, que l’on trouve un chef opérateur visiblement adroit et qu’on dispose d’une idée cinématographiquement correcte, pour arriver à produire un récit aussi lisse ? La réponse est dans le titre : trop de simplicité tue la simplicité.

Romain Carlioz