Tribune Libre

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Laisser la parole à qui de droit, c’était dans la logique des choses. A l’occasion du premier festival Jazz sur la ville, le directeur du Cri du Port inaugure cette tribune en nous parlant… de jazz : état des lieux… (lire la suite)

Le jazz bouge encore !

Laisser la parole à qui de droit, c’était dans la logique des choses. A l’occasion du premier festival Jazz sur la ville, le directeur du Cri du Port inaugure cette tribune en nous parlant… de jazz : état des lieux

Le jazz a cent ans et quelques rides. Souvent annoncé comme mort, il frétille pourtant encore et ne cesse de se marier à de nouvelles catégories musicales. Les querelles de styles ont été nombreuses au cours de son histoire, dévorant et jetant les uns contre les autres ses différents apôtres… Actuellement, sa part de marché discographique ne représente que 2%, incluant une variété dite « jazzy ». Le jazz se perd… Et la France, considérée comme le second pays du jazz, n’échappe pas à la règle, bien qu’un système de subventions publiques assure un fonds de roulement. Le jazz est tour à tour noble (sur les Scènes Nationales, les Grands Théâtres, les Festivals) et plus dévoyé dans les clubs, où il est de coutume de consommer. Désormais, ses diffuseurs se rangent en trois grandes catégories : les nantis, les besogneux associatifs et les commerçants, chacun pouvant partager une réelle passion pour cette musique, ou simplement en saisir l’opportunité. En France, la situation dans les grandes villes reste des plus difficiles. Si de nombreux bars musicaux ou clubs assurent une diffusion – il s’agit souvent d’artistes locaux sous-payés… ou pas du tout –, peu de scènes musicales le font de manière permanente. Ainsi, Toulouse, Nice, Bordeaux, Lyon ou Lille n’abritent aucun lieu dédié spécifiquement au jazz : il faut lorgner vers Tours (Le Petit Faucheux), Nantes (Le Pannonica) ou Avignon (l’AJMI) pour trouver des scènes dont le travail et l’action ont été reconnus, et qui disposent de salles variant de 150 à 250 places. Réunies au sein de la Fédération des Scènes de Jazz et de Musiques Improvisées, une trentaine d’associations défendent un jazz souvent national et accueillent quelques artistes étrangers. Fidèles à une éthique sociale et artistique, ces lieux tentent de valoriser le travail des musiciens en respectant une charte qui garantit à chaque artiste un cachet déclaré et non pas une prestation au noir. Dans ce panorama national, la Région Paca réunit cinq membres de cette fédération : l’Ajmi, le Salon de Musique (Salon-de-Provence), Charlie Free (Vitrolles) et, fait unique, deux structures dans la même ville, le Cri du Port et le Grim à Marseille. Ici, au fil du temps, des passionnés ont assuré la mise en place des grands concerts, tandis que des clubs (la Commanderie, le Blue Note, le Golden, le Pelle Mêle…) chauffaient les nuits marseillaises. À l’exception de quelques concerts de prestige, l’institution a été quasiment absente. Les concerts produits sur les grandes scènes (Opéra, La Criée, Théâtre Toursky…) étaient le fruit du travail d’associations, qui peu à peu se sont épuisées. Il est à noter que le cachet des vedettes actuelles, avec les frais des salles, ne laissent aucune possibilité à des associations d’assumer les coûts de production de ces grands concerts. L’époque des « trous » de tournée, qui permettaient aux plus petits d’accueillir des grands noms du jazz, est révolue. Si, en ce début de saison, Marseille accueille certaines nouvelles stars de la scène jazz – Eliane Elias, Madeleine Peyroux, Jamie Cullum : vedettes souvent décriées par les purs amateurs –, ce sont leurs tourneurs nationaux qui les produisent : ce jazz fait désormais partie du show-biz. Aujourd’hui, et si l’on peut compter sur un grand festival soutenu par la Ville (Jazz des Cinq Continents), seuls le Cri du Port et le Grim, dans des esthétiques différentes mais complémentaires, proposent des rendez-vous réguliers. D’où l’intérêt d’une opération comme « Jazz sur la Ville » qui, pour la première fois à Marseille, réunit sept opérateurs (l’Intermédiaire, la Meson, le Pelle Mêle, le Cabaret Aléatoire, la Cité de la Musique, le Cri du Port et le cinéma Les Variétés) dans un programme consacré à la création régionale… Désormais, le jazz fait partie des « musiques actuelles », qui reçoivent moins de 10% du soutien institutionnel (festivals et événementiel compris) quand le classique en reçoit plus de 90%.

Michel Antonelli

Jazz sur la ville, du 2 au 15 octobre à Marseille. Rens. 08 77 44 28 94