Still Life - (Chine – 1h48) de Jia Zhang-Ke avec Zhao Tao, Huang Yong…

Still Life – (Chine – 1h48) de Jia Zhang-Ke avec Zhao Tao, Huang Yong…

C’est avec beaucoup d’impatience que nous attendions le nouveau film de Jia Zhang-Ke, que certains avaient découvert avec le splendide The World en 2005. Dès les premiers plans de Still Life, on retrouve…

Chine année Zéro

C’est avec beaucoup d’impatience que nous attendions le nouveau film de Jia Zhang-Ke, que certains avaient découvert avec le splendide The World en 2005. Dès les premiers plans de Still Life, on retrouve toute la subtilité du cinéaste chinois : un sens du cadre très précis, le souci du détail et la volonté de lier le parcours des personnages à l’histoire d’un lieu. Le film se déroule à Fenjge, ville où se construit un immense barrage hydroélectrique qui occasionne une catastrophe culturelle du fait de l’engloutissement programmé de centaines de villages et du déplacement de plus d’un million de personnes. Fiction très « documentée », l’histoire est celle de San Ming, revenu après seize ans d’exil voir sa femme et sa fille, et celle de Shen Hong à la recherche d’un mari parti depuis deux ans. Cherchant à renouer avec leurs passés, les deux personnages semblent perdus dans cette ville qui a été la leur et qui ne ressemble plus qu’à une immense ruine. Une époque est morte, celle de la Chine rurale et communiste, et avec elle les lieux et les souvenirs qui y sont liés ; désormais tout se marchande, tout s’achète, même l’amour et les femmes. Les ouvriers détruisent à la masse ce qu’ils ont eux-mêmes construit quelques années auparavant, récupérant les briques pour reconstruire ailleurs d’autres logements qui seront certainement détruits à leur tour. Dans cette spirale absurde, l’extrême lenteur du récit agit comme un contre-point à cette mutation violente, et la présence de quelques plans fantastiques teinte le film d’un onirisme salvateur. Les couleurs sont ternes, comme déjà délavées par les eaux du barrage, et ce décor apocalyptique, entre brumes et pluies, est à la fois inquiétant et envoûtant. Jia Zhang-Ke réussit une nouvelle fois à mêler intelligemment dans un même espace cinématographique souffrances individuelles et destin collectif, vision politique et écriture poétique, tradition et modernité de la société chinoise. Tout comme la photographie immobilise une réalité pour mieux la cerner, le cinéma de Zhang-Ke tente de définir un instant présent, qui n’est déjà plus que du passé au moment où il est capté. C’est vain et c’est beau.

nas/im