Semaines Asymétriques au Polygone Etoilé

Semaines Asymétriques au Polygone Etoilé

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Drôle d’endroit pour une rencontre

Pendant dix jours, une cinquantaine de réalisateurs s’invitent aux Semaines Asymétriques, événement cinématographique majeur au sein de la cité phocéenne, orchestré par l’équipe toujours sémillante du Polygone Etoilé.

Les projets spéculatifs ont beau avoir fait table rase de la vie sociale et culturelle du quartier de la Joliette, un îlot de résistance continue année après année à donner de la voix, véritable laboratoire cinématographique au sein duquel réalisateurs et spectateurs ont vocation à participer à une expérience collective, à nulle autre pareille. Ils ne sont pas légion en France, ces lieux de création qui, à l’instar du Polygone Etoilé, proposent, dans le champ de l’image filmée, d’accueillir l’autre, non pas en fonction de sa carte de visite, mais de ce qu’il consent à partager, à offrir, et par nature à recevoir. Pénétrer ce lieu est avant tout histoire de rencontres, d’aventures humaines. Ce qui n’exclut nullement la qualité des œuvres proposées. En point d’orgue à une activité annuelle dense et variée, l’équipe du Polygone a bâti depuis 2004 ces Semaines Asymétriques, passionnants instants de projections, où la vie et l’échange s’étendent au-delà des films. « On n’est pas ici dans une histoire de festival, mais de rencontres, entre des gens qui font du cinéma, et ceux qui le reçoivent. L’idée des Semaines Asymétriques est de ne pas sélectionner. Nous ne sommes pas dans la démarche de visionner, trier, puis imposer notre choix, comme si nous étions experts, en sous-entendant qu’il faut regarder ceci et non cela », souligne Fabrice Coppin. L’équipe organisatrice découvre parfois les films en même temps que le spectateur, privilégiant ainsi le temps laissé aux débats d’idées et à l’expression de chacun. Le temps, maître mot d’un mécanisme créatif cinématographique qui, de l’écriture à la diffusion, en manque aujourd’hui cruellement : « Ici, la porte est ouverte, toute l’année. Nous laissons le temps aux réalisateurs pour approfondir leur travail, aller au-delà des contraintes matérielles qu’impose la marchandisation du cinéma. C’est la raison pour laquelle nous laissons aussi lors de ces semaines une place privilégiée aux questions de réalités économiques et logistiques dans le processus de création cinématographique. Ou comment, de nos jours, finaliser les projets, quelle est l’économie des cinéastes, dans la région, et au-delà. » D’où une mixité particulièrement enrichissante, qui permet de découvrir de jeunes réalisateurs aux côtés de cinéastes confirmés (rappelons cette soirée exceptionnelle proposée le mois dernier en présence d’André S. Labarthe et Jacques Rozier !). Et Fabrice Coppin de rajouter : « La légitimité qui est la nôtre, c’est d’avoir fait des films qui n’appartiennent à rien, ni à personne. Ce sont des films impropres à la consommation. Ce sont des « films publics » pourtant, en ce que le public, et lui seul, donne un sens à notre geste. » C’est donc avec la même logique que le Polygone défend la gratuité de diffusion des films : le public s’invite. Au sein de cette nouvelle édition des Semaines Asymétriques, il pourra alors à loisir déambuler au cœur d’une programmation construite mais jamais figée, prônant une grande liberté avec les horaires. Parmi les cinéastes invités, citons la réalisatrice et écrivaine Dominique Abel, dont nous (re)découvrirons le Polygono Sur, Ahmed Nabil, pour trois cartes blanches, Boris Lehman, prolifique documentariste belge et habitué des lieux, ou encore Till Roeskens, auteur d’un conte documentaire au cœur du bassin de Séon. A leurs côtés, pas moins d’une cinquantaine de réalisateurs bien résolus à donner corps et vie, avec le public, à ces huitièmes Semaines Asymétriques.

Texte : Emmanuel Vigne
Photo : Flaky et camarades ou le cheval de fer d’Aaron Sievers

Semaines Asymétriques : du 17 au 26/11 au Polygone Etoilé (1 rue Massano, 2e), à la Compagnie (19 rue Francis de Pressensé, 1er) et au Théâtre de la Cité (54 rue Edmond Rostand, 6e).
Rens. 04 91 91 58 23 / http://semaineas.blogspot.com/