En presence d’un clown (Suède – 1997 - 1h58) d’Ingmar Bergman avec Börje Ahlstedt, Marie Richardson, Erland Josephson…

En presence d’un clown (Suède – 1997 – 1h58) d’Ingmar Bergman avec Börje Ahlstedt, Marie Richardson, Erland Josephson…

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Pierrot et le fou

Avant-dernier film du grand Ingmar Bergman (Le Septième Sceau, Les Fraises Sauvages…), En Présence d’un Clown semble montrer qu’à la fin de sa vie, le réalisateur suédois a eu envie de perturber les systèmes rôdés de compréhension des spectateurs. Le résultat est mitigé. A l’issue de la projection, le spectateur a encore besoin de digérer l’univers étrange, parfois à la limite de l’incompréhensible, qui lui a été proposé pendant près de deux heures. Mais il a aussi envie de reconstituer ce véritable puzzle émotionnel, servi par une histoire bien originale. Jugez plutôt : en octobre 1925, l’ingénieur Carl Akerblöm met en route le projet ambitieux de réaliser le premier film parlant sur Franz Schubert, à l’aide de sa compagne, qu’il a essayé précédemment d’assassiner, et d’un professeur fou rencontré à l’hôpital psychiatrique. La folie n’est d’ailleurs jamais loin puisqu’elle revient le hanter sous les traits d’un vieux clown blafard au féminin — sorte de Pierrot apportant du malheur en sucette. Le scénario du film est donc au moins aussi dingue que son thème, avec la musique du Voyage d’Hiver pour seul guide. Dans ce huis clos, Bergman utilise les gros plans pour naviguer entre parties du corps et objets maniés. Ainsi, l’exiguïté des espaces dans lesquels se déroule le film (une chambre d’hôpital psychiatrique, une petite scène de théâtre improvisée dans un salon) se voit-elle transcendée par des mouvements de caméra, dans la continuité de la musique classique — omniprésente. Le film dans le film, initialement annoncé comme l’invention du siècle par Akerblöm, sera très vite remplacé par une pièce de théâtre, comme pour nous rappeler les premiers pas artistiques de Bergman et évoquer l’origine du film (la pièce S’agite et se pavane, qu’il a écrite en 1993). Mais elle permet surtout de rapprocher le spectateur de la réalité et donc de la folie, qui nous concerne tous.

Guillaume Arias