Salle des Fêtes par la Cie Deschamps-Makeïeff

Salle des Fêtes par la Cie Deschamps-Makeïeff

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Champagne sans bulle

Alléchante sur le papier, la dernière création du duo Deschamps/Makeïeff, Salle des Fêtes, a laissé pantois plus d’un spectateur de la Criée. On fêtait quoi au juste ?

Il y a franchement de quoi déprimer après avoir vu successivement Un pied dans le crime de Labiche, mis en scène par Jean-Louis Benoît (actuel directeur de La Criée), et Salle des fêtes, codirigé par la future responsable du même théâtre. Le premier a mis un pied dans la tombe en signant une mise en scène d’un autre temps, d’une ringardise affligeante, sans caractère, affichant un humour douteux (cf. Dominique Pinon tentant de faire chanter « Vive la France et vive l’empereur » au public) et arborant une scénographie… moche.
Plus prometteur (à l’ouverture de rideau), Salle des Fêtes propose un bel espace bariolé, kitsch et astucieux — Macha Makeïeff maîtrise parfaitement cette spécialité, reconnaissons-le —, laissant présager un univers à côté de la plaque qui nous fera rire jaune et bouleversera notre train-train grisant. Hélas, trois fois hélas… On rira certes, mais peu, et d’un bien triste premier degré. Aucun bouleversement n’aura lieu si ce n’est le sentiment vertigineux de s’ennuyer une fois de plus au théâtre, qui plus est dans « Le Théâtre National de Marseille », face au travail de ceux qui possèdent désormais les clés de cette grande maison.
La trame du spectacle est simple : attendre que la fête commence. Six personnages « loufoques » chantent et jouent une succession de tubes de bal populaire sans grande surprise, qui ont au moins le mérite d’être délicieusement interprétés par des femmes et hommes à tout faire — on retiendra particulièrement les présences généreuses de Tiphany Bovary Klameth et David Déjardin. Sous couvert de théâtre « accessible », ces personnages qu’on finit par (re)connaître ne nous racontent plus rien d’eux, de leurs vies, de la nôtre. Théâtre absent, désincarné de sens, de prise de position, de regards distancés. Entre chaque mini show, des scènes muettes ou baragouinant une langue inconnue confirment que les organisateurs de la soirée défendent une parole qui n’a pas le courage des mots. Certes, on ne passe pas un désagréable moment : la salle, pleine à craquer, rit de bon cœur pendant une heure et demie, et les comédiens-chanteurs-danseurs impressionnent par leur savoir-faire. Mais l’univers vaguement désuet présenté ici, où des petits riens cherchent à créer une vie décalée, on le connaît par cœur depuis les Deschiens et les autres propositions scéniques du couple parisien. Aujourd’hui, c’est juste la pauvreté d’un divertissement sans fond qui apparaît. En somme, un spectacle allégé en matière grise placé dans un contexte culturel qui aurait bien besoin d’être enrichi. Et dire que pendant ce temps-là, Catherine Marnas proposait le superbe spectacle Ligne de Faille au Théâtre des Salins…

Diane Calis

Salle des Fêtes par la Cie Deschamps-Makeïeff était présenté du 12 au 16/04 à la Criée.