Rentrée Théâtre

Rentrée Théâtre

C’est connu, à Marseille, il y a plus de théâtres que partout en France. Alors pour éviter un pénible catalogue des spectacles à ne pas rater, voici une sélection foncièrement injuste, car délibérément orientée… (lire la suite)

Sous les planches, les pavés

C’est connu, à Marseille, il y a plus de théâtres que partout en France. Alors pour éviter un pénible catalogue des spectacles à ne pas rater, voici une sélection foncièrement injuste, car délibérément orientée…

Une rentrée sociale calme comme un jour sans mistral ?… Peut-être que ça en fait rêver certains. Mais pas sur les planches. Représenter, éclairer, dénoncer le fonctionnement actuel du monde du travail et du champ social en général, à travers ses drames individuels comme ses destins collectifs : c’est une préoccupation dont témoigne la programmation de plusieurs salles marseillaises pour le dernier trimestre 2006.
Et en tout premier lieu, celle de la Minoterie, qui va connaître cette année sa dernière saison complète « intra muros » (1). En octobre, la Cie Mises en Scène y présentera Cairn d’Enzo Cormann : « L’histoire d’un rebelle, l’irrésistible chute d’un ouvrier syndicaliste dans une usine à l’heure de la mondialisation… En une vingtaine de scènes qui s’enchaînent comme des claques, surgissent les fantômes de nos vies modernes : lassitude idéologique, mauvaise conscience sociale, fatalité de la révolte et de l’Histoire… » En résumé : « Une vision âpre, enlevée, admirablement non résignée. »
Autant continuer sur la lancée : en novembre, toujours à la Minoterie, la Cie Ma Voisine s’appelle Cassandre proposera Push-up de Roland Schimmelpfennig. « Une écriture, sous forme de duos/duels entrecoupés de soliloques, qui traite des conflits dans une entreprise, de l’intrication entre l’intime et le professionnel, et des déplacements qui surgissent quand le pouvoir et la réussite deviennent les premières passions… »
Et puis, cerise sur le gâteau (ou cadeau de Noël), en décembre la Minoterie accueillera ELF, la pompe Afrique, de la Cie Un pas de côté : pour y voir plus clair dans le procès ELF sans éplucher la presse de l’époque, mais aussi dans le fonctionnement de l’Etat français en Afrique… Un spectacle en forme de réquisitoire, « drôle et implacable » : bref, à charge.
Dans un registre plus léger, le Gyptis accueillera en octobre la nouvelle création de la Cie L’Egrégore autour de l’œuvre de Tchekhov, Les Trois sœurs. L’histoire de trois femmes « fines, instruites, sensibles, enterrées vivantes au fond de la province, incapables de s’arracher à une vie mesquine » : c’est drôle, un peu amer, et tellement actuel… Autre perle, mais plus tard dans la saison : en avril, au Lenche, la Cie du Mini-Théâtre créera Karl Marx, le retour, d’Howard Zinn. Ou comment, sous forme d’une farce pleine de verve et de rage, un Karl Marx ressuscité découvre le destin réservé à ses conceptions, ainsi que l’état du monde à l’heure du capitalisme triomphant…
Chez les minots aussi, ça va remuer cet automne. Au Massalia, en octobre, on pourra découvrir une adaptation du Déménagement fantastique de Guignol : Guignol est au chômage, il ne peut plus payer son loyer, et s’il ne réagit pas en s’armant de son bâton, il va être expulsé — ça ne vous rappelle rien ?… Quant au Badaboum, il proposera en novembre une libre adaptation du personnage de Fifi Brindacier — la gamine orpheline et rebelle qui n’hésite pas à flanquer la police dehors quand elle empiète sur sa liberté, et qui saura convaincre vos enfants de prendre leurs désirs pour des réalités. Soyez à la hauteur…

Coline Pauhel

(1) En janvier 2008, le très beau bâtiment qui abrite le Théâtre de la Joliette sera détruit. Ahurissant mais vrai. La logique qui prévaut à cette décision est — bien évidemment — immobilière : à la Joliette, en ce moment, on rase allègrement les vieilles pierres pour édifier une armée de blocs colorés, rappelant étrangement les décors en carton-pâte de Panique à Malibu. Un autre théâtre sera construit au même emplacement (sous quelques étages des blocs ci-dessus décrits), mais pas ouvert avant 2010. D’ici là, la Minoterie vagabondera à travers la ville…