Printemps de l’art contemporain : le retour

Printemps de l’art contemporain : le retour

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Dans notre précédent numéro, nous évoquions avec Lydie Marchi la troisième édition de la manifestation concoctée par le réseau Marseille Expos. Retour sur quelques-unes des propositions les plus marquantes du PAC.

Stéphane Bérard
Une enseigne rouge en forme de losange, de celles qui nous sont si familières car elles indiquent la présence d’un bureau de tabac, est apparue, soudainement, au-dessus de la librairie-galerie de la rue Fontange. Cet écriteau s’explique, selon l’artiste, comme une tentative pour augmenter la fréquentation du lieu. Appâter le public en le leurrant : voilà qui donne le ton de cette exposition à l’échelle modeste, constituée majoritairement de dessins et d’écrits tracés au stylo-bille sur du papier blanc. Des œuvres si simples qu’elles font écho à ce que l’on griffonnait dans les marges de nos cahiers quand l’on s’ennuyait sur les bancs de l’école, et qui trouvent judicieusement leur place au milieu des livres. Un travail faussement désordonné et plein d’humour, liant les dessins aux jeux de mots — le tout non dénué d’un certain cynisme.
_Jusqu’au 11/06 à la galerie HO, Histoire de l’Œil (25 rue Fontange, 6e). Rens. 04 91 48 29 92 / www.histoiredeloeil.com

Peter Granser – J’ai perdu ma tête
Les photographies de l’artiste montrent des personnes, certaines en groupes, d’autres n’offrant au regard que leurs visages ou au contraire les dissimulant. Savoir que ces portraits ont été réalisés dans un asile psychiatrique nous permet de comprendre cette œuvre, de mieux interpréter ce qui sème le trouble en nous, au-delà d’images a priori sans grande excentricité. Depuis le XIXe siècle, la photographie s’est souvent attachée à représenter la folie, à pénétrer les lieux clos dans lesquels nos sociétés tentent pourtant de la contenir loin des regards, via des clichés parfois à la limite du caricatural. Aussi, si le sujet choisi par l’artiste n’est pas des plus originaux, son traitement lui confère tout son intérêt. La folie n’y est pas mise en scène de façon spectaculaire, et l’on finit même par douter du fait que ce soit cela dont il est question, puisque ce que l’on voit, dans le fond, ce sont des gens dans leur intimité, malgré une atmosphère lourde et empreinte de morbidité.
_Jusqu’au 2/07 à l’Atelier de Visu (19 rue des trois rois, 6e). Rens. 04 91 47 60 07 / www.atelierdevisu.fr

Caroline le Méhauté – Cocotrope
Les œuvres réalisées in situ présentent chacune un grand intérêt en soi, mais il n’est pas évident de les considérer dans leur globalité. Elles s’articulent et se font écho dans un espace aussi habité qu’épuré : pas de surcharge, tout est à sa place. La mise en place de l’exposition a exigé un mois de travail à la jeune artiste fraîchement diplômée des Beaux-arts de Marseille, pour donner naissance à une installation d’une indéniable virtuosité, constituée de pièces créées pour l’occasion. Tout ici oscille entre grandiose et précaire, à l’image de cette œuvre faite de tourbe de coco — matériau dominant de l’exposition, qui en tire son nom —, déposée sur un châssis suspendu. Ce dernier, agissant tel un tamis, la répand peu à peu sur le sol au gré des vibrations émises depuis l’étage supérieur, rendant ainsi compte des mouvements dans le temps et l’espace. Chacune des œuvres est une mise à l’épreuve de nos perceptions et de nos sensations aussi bien que de l’environnement, qu’elles révèlent avec subtilité. A tel point qu’on se laisse volontiers emporter par la grâce et le mystère qui nimbent l’ensemble.
_Jusqu’au 23/07 à la galerie Château de Servières (11-19 boulevard Boisson, 4e). Rens. 04 91 85 13 78 / www.chateaudeservieres.org

Maciek Stepinski – Go with peace
Diplômé de la prestigieuse Ecole de Photographie d’Arles, l’artiste polonais livre ici le fruit d’un périple en Israël et Palestine effectué en 2008. Soit vingt et un clichés au format similaire à celui utilisé pour les photos de vacances ordinaires. Mais sous une épaisse couche de plexiglas, les images sont floues. On y distingue parfois les éléments d’un décor de bord de route, un sémaphore, un panneau d’indication, devinant ainsi que les photographies ont été prises depuis l’habitacle d’une voiture, des moments de passage fugaces, comme ce rideau tiré dans une chambre d’hôtel qui laisse entrevoir les lumières d’une ville. L’exposition se révèle ainsi une pérégrination sinueuse à travers une terre de laquelle transpire une atmosphère singulière. Au détour d’une route surgit un tank, des habitations précaires, la guerre est là, avec ce qu’elle implique de violence et de terreur, tapie dans les camaïeux de gris. Il semble que les engagements formels de l’artiste font part de la difficulté de témoigner des conflits, des enjeux politiques, d’autant plus en tant qu’étranger. Une pudeur qui se joue des codes du documentaire et invite à un voyage consistant avant tout à voir au-delà ce qui est montré.
_Jusqu’au 18/06 chez Saffir, galerie nomade (32 rue Saint-Jacques, 6e). Rens. 06 03 40 76 92 / saffirgalerienomade.blogspot.com

Juliette Pesce

Rens. www.marseilleexpos.com