Poètes, à vos pinceaux !

Poètes, à vos pinceaux !

Pour la troisième édition de Laterna Magica, la meilleure à ce jour, l’association Fotokino barbouille les écrans marseillais à grand renfort de films d’animation triés sur le volet… (lire la suite)

Pour la troisième édition de Laterna Magica, la meilleure à ce jour, l’association Fotokino barbouille les écrans marseillais à grand renfort de films d’animation triés sur le volet.

Derrière cette nouvelle édition de Laterna Magica, se cache, outre les nombreux ateliers et autres rencontres littéraires, l’un des plus beaux hommages au cinéma d’animation proposés dans la Cité phocéenne. Un parfait évènement polymorphe, qui comblera les plus petits, à coup sûr émerveillés par ce florilège de couleurs et de formes en mouvement, et les plus exigeants des amateurs de cinéma quasi-expérimental, par la qualité de la programmation. Un mois dense durant lequel se croiseront, sur l’écran, les frères Quay et Youri Norstein, Jacques Demy et Prévert, Jan Svankmajer et Charley Bowers, Lotte Reiniger, Paul Grimault, Francis Nielsen et tant d’autres. En bref, les plus grands noms du cinéma d’animation. Du moins d’une certaine catégorie du cinéma d’animation. Car ici, nous sommes loin de toute image virtuelle ou assistée par ordinateur : les réalisateurs sélectionnés donnent à voir la matière en action. L’écran prend chair, la couleur-mouvement devient poésie, les peintures animées, les marionnettes ou ombres chinoises ressuscitent et semblent nettement sortir de leur cadre, tant la puissance de l’objet filmé s’empare de tout ce qui passe à sa portée, comme le rappelait Deleuze. C’est particulièrement le cas chez Gianluigi Toccafondo, à qui Laterna Magica réserve un brillant hommage. Cet adepte de la matière picturale en mouvement, auteur d’une poignée de courts-métrages de toute beauté, est l’héritier des avant-gardistes du début du siècle dernier, qui ont rapidement saisi tout ce que peinture et cinéma pouvaient s’apporter mutuellement, en l’occurrence via le vecteur mouvement. Les expérimentations visuelles de l’Italien sont à la croisée de la peinture (recours à la pratique picturale dans un premier temps), du cinéma (utilisation de photogrammes issus d’œuvres cinématographiques — voir La Pista), de la musique (élément majeur de son art) et du bricolage manuel (utilisation de photocopies, grattage de pellicule, à l’instar d’un McLaren, ou des grands cinéastes expérimentaux américains tels Stan Brakhage). Un fin mélange qui ne s’éloigne jamais vraiment du champ de la poésie, n’étant pas sans rappeler certains travaux d’un Georges Schwizgebel. Vu sous cet angle, le cinéma d’animation est plus affaire de construction / déconstruction, les formes en mouvement se dissipant, se recréant, se transformant. Une représentation juste de la nature humaine reflétée à l’écran, un espace créé illustrant avec beauté l’abstraction inévitable, mais magnifiée, de nos chemin de vies, comme le rappelle le sublime La Pista, remarquable morceau de bravoure rythmé aux pas de danse du couple mythique Ginger Rogers / Fred Astaire. Marie-Christine Folch résume parfaitement la démarche artistique de ce grand cinéaste en la définissant comme un entrelacs de cultures visuelles. Une réflexion que l’on pourra étendre à l’ensemble de cette superbe programmation.

Sellan

Du 6 au 23/12 dans divers lieux de la ville (Variétés, Théâtre La Baleine qui dit « vagues », Institut Culturel Italien, galerie de l’ESBAM…) : voir programmation détaillée en pages Ciné et Agenda. Rens. 08 70 38 41 68 / www.fotokino.org