Mala Noche - (USA – 1h20) de Gus Van Sant avec Tim Streeter, Doug Cooeyate, Ray Monge…

Mala Noche – (USA – 1h20) de Gus Van Sant avec Tim Streeter, Doug Cooeyate, Ray Monge…

Comme la musique, l’industrie du cinéma a compris qu’on pouvait ressortir les œuvres de jeunesse d’auteurs devenus au fil des ans incontournables. Pendant longtemps… (lire la suite)

Macadam Cowboy

Comme la musique, l’industrie du cinéma a compris qu’on pouvait ressortir les œuvres de jeunesse d’auteurs devenus au fil des ans incontournables. Pendant longtemps confiné à un public cinéphile lors de rétrospectives, « le premier film » est vite devenu un objet-marketing non négligeable. Malgré ces réserves d’ordre général, ne boudons pas notre plaisir à la découverte de Mala Noche, initialement sorti en 1985. Sorte de road-movie statique, le film de Gus Van Sant nous dévoile la passion de Walt, jeune épicier de Portland, pour un adolescent clandestin originaire du Mexique, Johnny. Cette quête amoureuse se révèlera vaine, et la fuite constante de l’objet désiré permettra au film de réellement décoller. Tourné en 16 mn, Mala Noche possède une esthétique singulière liée en grande partie à l’utilisation d’un noir et blanc au grain très épais qui donne au film son aspect expressionniste et arty. On pense bien évidemment à Stranger Than Paradise de Jarmush tourné à la même époque, mais aussi à Boy Meets Girl de Carax pour ce goût prononcé des contrastes. Plus qu’un simple maniérisme, cette couleur particulière convient parfaitement à son auteur pour décrire une Amérique malade (les clients de l’épicerie n’achètent que de l’alcool ou des médicaments) et filmer les corps comme il l’a rarement fait depuis. L’intensité de cette scène où les corps se mélangent risque de troubler plus d’un spectateur par sa sensualité et son réalisme, la caméra s’attachant à filmer ces deux hommes de si près qu’on ne sait plus quelle partie du corps est à l’image. Gus Van Sant nous dévoile aussi l’esquisse d’un personnage qu’il affectionne particulièrement, celui d’un looser sentimental dont l’attirance physique se transforme peu à peu en une affection presque maternelle. Une filiation naturelle naît alors entre ce premier essai cinématographique et My Own Private Idaho. Moins anecdotique qu’il ne paraît de prime abord, Mala Noche se révèle peu à peu intéressant, même si on peut lui reprocher quelques égarements du côté d’un onirisme bon marché visant à renforcer l’aspect « trouble » des nuits de Portland. Autre déception, Tim Streeter semble beaucoup trop détaché de son personnage pour créer l’identification nécessaire. Au final, la re-sortie de ce premier long-métrage produit un effet mitigé : plus qu’à la vision du film, on prend plaisir à mesurer le chemin parcouru depuis par Gus Van Sant.

nas/im