L’Interview : Patrick Mennucci

L’Interview : Patrick Mennucci

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Le « monsieur Culture » de la Région multiplie les casquettes dans le domaine : le nouveau vice-président délégué à la culture au conseil régional est également depuis peu à la tête du FRAC (Fonds régional d’art contemporain), de la Régie culturelle et de l’Arcade (Agence régionale des arts du spectacle). Entre deux rendez-vous, il a pris le temps de s’exprimer sur le présent et, surtout, à l’aube de Marseille Provence 2013, sur l’avenir de la culture en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Votre nouvelle fonction de vice-président délégué à la culture tient-elle d’une motivation personnelle ou d’une demande qu’on vous a faite ?
Le président m’a demandé ce que je voulais et j’ai répondu « la culture ! », ça ne pouvait pas être plus simple. Je pense que j’aurais pu choisir absolument tout ce que je voulais, dans la mesure où il m’a demandé en premier puisque j’étais son directeur de campagne. J’avais envie de prolonger mon action dans la mairie du premier secteur (ndlr : celle des premier et septième arrondissements de la ville). Depuis mon élection à ce poste, j’essaie, avec des moyens qui n’ont rien à voir avec ceux de la Région bien sûr, de faire des choses dans ce domaine : on vient de créer la première direction de la culture dans une mairie de secteur, on essaie d’aider toutes les associations qui œuvrent dans la perspective de Marseille Provence 2013, de développer les activités du Théâtre Sylvain… Je me suis dit qu’en tant que vice-président de la Région, avec des fonds supérieurs, je pourrais faire plus de choses, et pas seulement pour le premier secteur, plus généralement pour l’ensemble de la Région.
En même temps, c’est une activité de la Région qui est assez ancienne, déjà très organisée, donc c’est un travail intéressant.

Quand vous êtes arrivés, quelle image aviez-vous de la culture en PACA ? Est-ce qu’elle a changé depuis ?
Je n’ai pas attendu d’être vice-président de la Région pour avoir une image de la culture ! Pour moi, la culture est un acte politique. Elle s’inscrit naturellement dans mes orientations politiques, que tout le monde connaît. Et je pense que plus il y a de la culture, plus mon camp a des chances de l’emporter… (rires) C’est une motivation extraculturelle, complètement politique. Il y a une nécessité de développer la culture, où que ce soit, et pas seulement en région.
Pour en revenir à la question, j’ai l’image d’un foisonnement culturel dans la région, mais aussi de difficultés très grandes. A vrai dire, je n’ai pas beaucoup changé de position vis-à-vis de la culture depuis que je suis arrivé… J’ai simplement remarqué que les difficultés étaient encore plus grandes que ce que j’imaginais.

Parmi les grands chantiers de la Région, quels sont ceux qui vous tiennent à cœur ?
Pour moi, le plus important, c’est la critérisation des interventions de la Région. Lors des dernières séances, on a déjà fait passer deux rapports sur les arts du spectacle et le cinéma, et je m’apprête à en présenter deux autres sur le patrimoine, l’art contemporain et le livre. Je suis assez satisfait puisque, neuf mois après mon arrivée, on aura réussi à critériser au maximum l’ensemble du dispositif, en essayant d’éviter le clientélisme le plus possible et en mettant l’accent sur la nécessaire professionnalisation du secteur. Pour moi, il fallait donc avant tout clarifier notre politique à l’égard des tiers avec lesquels nous travaillons et que nous subventionnons.
Par ailleurs, la Région doit, selon moi, davantage porter ses propres orientations, au lieu de se contenter de toujours « suivre » ce qu’on nous propose. Une partie de notre budget doit être réservée à nos propres appels à projet.

Quand on se place du point de vue du citoyen local lambda, on a une image assez opaque de Marseille Provence 2013. En outre, on a l’impression que les collectivités territoriales impliquées ont mis beaucoup de temps à se mettre d’accord. En témoignent les derniers articles sur la ville d’Aix et la CPA, qui traînent la patte… Qu’en pensez-vous ?

Ce n’est pas qu’on a mis beaucoup de temps à se mettre d’accord, c’est qu’on n’est pas d’accord ! En tout cas avec la CPA et la ville d’Aix (ndlr : la Communauté du Pays d’Aix et la municipalité souhaitent conserver leur statut de «? territoire associé ?» afin de présélectionner de leur côté les projets).
Concernant 2013, je fais la même observation depuis mon arrivée il y a neuf mois : 2013, c’est en 2013, et on est en 2010 ! D’après mon expérience, il en allait de même avec Lille ou Liverpool, où on a fait exactement les mêmes remarques deux, trois ans avant. Soyons prudents : les critiques doivent être productives et non pas stérilisantes. On a parfaitement le droit de critiquer, tout comme on a le droit de constater l’absence de politique culturelle de la ville de Marseille, qui pèse lourd dans le projet. Mais il ne faut pas que tout cela mène à un constat d’échec a priori. On peut être lucide, mais utiliser cette lucidité comme un atout pour faire avancer les choses.
J’ai été très précis concernant la situation entre les collectivités territoriales. J’ai appelé monsieur Gaudin pour qu’il réalise un acte de diplomatie à l’égard du maire d’Aix. Compte tenu de nos orientations politiques, ni Michel Vauzelle, ni Jean-Noël Guérini, ni moi-même ne pouvons le faire.
Hier encore, j’ai insisté pour que ce soit bien le conseil d’administration, c’est-à-dire les collectivités territoriales les plus importantes finançant le projet (la ville de Marseille, le conseil général des Bouches-du-Rhône et le conseil régional), qui prenne les décisions finales. Je ne peux pas accepter par exemple qu’on m’impose une grande parade sur le thème du football. Qu’il y ait une grande parade, soit, qu’on nous propose différentes thématiques, nous les examinerons, mais qu’on ne nous dise pas : « On va faire une grande parade sur le football ». Monsieur Latarjet a été obligé de préciser qu’il ne s’agissait que d’une proposition. Marseille, et a fortiori Marseille Provence 2013, ce n’est pas le football. Je suis donc fermement opposé à ce que cette grande parade ne soit consacrée qu’à ça, même si Philippe Découfflé, qui a fait la même chose à Berlin, essaie de nous la refiler.
Il ne faut pas croire que tout ce qui sort de MP 2013 sera acté au final par les membres du conseil d’administration !

Considérez-vous comme certains qu’une notion de territoire — qui serait Marseille Provence, donc — est en train de naître dans la tête des citoyens de la région grâce à ce projet ?
Honnêtement, je n’en suis pas convaincu. Je sais que c’est la position de Renaud Muselier, qui essaie de nous la vendre depuis une éternité, mais je ne pense pas que la culture soit, en termes d’investissements, suffisante pour créer un territoire. Je pense que ça créera une image d’un territoire… Je ne crois pas trop à l’association avec Toulon. En revanche, je crois beaucoup au territoire Aix-Marseille. Il vaudrait mieux faire un TER cadencé entre Aix et Marseille pour créer le territoire. Tout le reste, c’est du pipeau ! Si vous avez des événements à Aix et que les Marseillais ne peuvent pas s’y rendre, ou inversement, ça ne marchera pas, tout simplement.

Peut-on tout de même dire que pendant trois ans, la culture va être à l’ordre du jour ?
Ça, c’est évident.

Au-delà, de Marseille Provence 2013, de nombreux acteurs culturels se plaignent de la dégradation de la politique culturelle nationale. L’exemple le plus frappant est probablement la suspension soudaine des renouvellements et nouvelles signatures de contrats aidés. Avec la baisse annoncée du nombre de ces contrats aidés jusqu’en 2013 au moins, l’avenir semble bien morose. Quelle est votre position sur cette question ?
Ce problème des contrats aidés est typique du « sarkozysme » : un couperet tombe du jour au lendemain ! Et le pire n’est pas pour la culture, mais pour les écoles communales, les collèges, les lycées, où il n’y aura plus une secrétaire… C’est un désastre ! Ça va d’ailleurs coûter très cher à ce grouvernement, qui s’en fiche, puisque de toute façon, il ne s’intéresse qu’aux patrons du CAC 40 et à leurs employés directs… Je ne peux pas dire que cela me surprenne vraiment… Tout ce que je peux assurer, c’est que la Région poursuit sa politique d’emplois culturels aidés, qu’elle a toujours mise en œuvre seule. On en a créé quarante cette année, et encore quarante l’année prochaine. Certes, ce n’est pas énorme et ça ne règle pas tout, mais il y a quelques structures culturelles marseillaises, aixoises ou avignonnaises auxquelles cela rend bien service. La Région n’a pas les moyens de se substituer à l’Etat et hélas nous subissons, comme tout le monde, la situation.

Le numéro de Ventilo dans lequel apparaît cet entretien contient un cahier sur la formation aux métiers de l’art et de la culture. Parmi ces formations, lesquelles auriez-vous suivies à titre personnel ?
J’aurais choisi quelque chose qui, hélas, n’existe pas en région : l’art contemporain. J’ai d’ailleurs demandé à l’Arcade de travailler sur cette question. En général, je ne me prononce pas sur le sujet, parce que je considère que les préférences des hommes politiques chargés de la culture ne doivent pas s’imposer au territoire ou aux citoyens. Il y a des choses qui m’horripilent dans la culture et que j’aide pourtant. Il faut veiller à la diversité avant tout.

Les étudiants des filières artistiques se lancent dans des formations très coûteuses et très longues, sans avoir une garantie d’emploi. Pourrait-on imaginer quelque chose pour les les aider ? Il y en a quand même parmi eux qui vivent dans des garages !
Le jour où je serai ministre de la culture, je vous répondrai. Mais là, je ne peux pas engager la Région dans de nouveaux dispositifs qu’elle ne pourrait pas financer. Je dois financer et cofinancer beaucoup de choses : la Régie culturelle, l’Arcade, le livre… J’ai un budget serré que je pense arriver à sauver, sans diminution, c’est déjà pas mal.

Quelle sont les événements culturels qui vous ont marqué cette année ?
J’ai adoré une expo menée par la municipalité de Santiago du Chili sur la communauté mapuche, c’est-à-dire les Indiens d’origine de la vallée de Santiago. En région, j’ai beaucoup apprécié le concert de clôture du Festival d’Aix par l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. Je pense qu’il faut qu’on travaille à redonner à l’OJM la place qu’il mérite.
Sinon, je me tourne vers l’avenir, puisque la chose qui va me marquer le plus, ce sera la première pierre du nouveau FRAC début 2011.

Propos recueillis par Guillaume Arias, Marika Nanquette-Querette et Christine Quentin Maignien