L’interview - Benjamin Biolay

L’interview – Benjamin Biolay

Quelques semaines après la sortie de Trash Yéyé, son quatrième et foudroyant album, c’est un Benjamin Biolay serein et affable qui a accepté, à quelques encablures de son concert marseillais, de répondre aux questions « téléphonées » — mais triées sur le Biolay, bien sûr — de la rédaction.

Quelques semaines après la sortie de Trash Yéyé, son quatrième et foudroyant album, c’est un Benjamin Biolay serein et affable qui a accepté, à quelques encablures de son concert marseillais, de répondre aux questions « téléphonées » — mais triées sur le Biolay, bien sûr — de la rédaction.

Maintenant que Trash Yéyé est dans les bacs et que tout le monde s’accorde à dire que c’est ton plus bel album à ce jour, est-ce que tu peux enfin faire ton deuil de l’échec commercial d’A l’origine ?
Je ne parlerais pas de deuil, y a pas eu mort d’homme, il faut relativiser. Ceci dit, je mentirais si je disais que ça ne m’a pas affecté. Lorsque tu sors un disque, tu espères toujours qu’il soit bien reçu et que les gens l’achètent. Je continue de penser qu’A l’origine est un très bon disque, d’où mon incompréhension, ma frustration.

As-tu écrit et composé Trash Yéyé en réaction au précédent ou voulais-tu simplement passer à autre chose ?
Je n’ai jamais eu de sentiment de revanche, de montrer de quel bois je me chauffe, je gagne ma vie en écrivant des chansons, j’ai beaucoup de chance. J’ai repris les choses la où je les avais laissées. J’aime à croire que Trash Yéyé est dans la continuité du précédent, comme un second volet. Ceux qui ont aimé A l’origine y trouveront une certaine cohérence.

Je t’ai vu sur scène, à Aix-en-Provence, lors de la première date de ta tournée et j’ai été marqué par le boycott relatif des titres de ton dernier album, tandis que tu mettais l’accent sur les compos d’A l’origine. Besoin d’évacuer une frustration légitime ou est-ce que certains titres de Trash Yéyé sont trop compliqués à retranscrire sur scène ?
J’avais très envie de jouer live les titres d’A l’origine que je n’avais pas pu défendre sur scène il y a deux ans, mais j’en fais pas pour autant une fixette. Quant aux chansons de Trash Yéyé, qui ne sont effectivement pas super évidentes à mettre en place, elles sont intégrées au fur et à mesure que la tournée avance. Il faut savoir aussi que je me repose beaucoup sur mes musiciens qui ont beaucoup de boulot derrière moi. Le choix des titres dépend énormément de leur envie ou du feeling du moment. On forme et joue en équipe.

J’ai également été frappé par ton aisance pendant le concert, le nouveau rapport frontal et brut que tu instaures désormais avec la scène et le public, après t’être longtemps planqué derrière des volutes de cigarettes, voûté sur ton piano. Quel a été le déclic ?
Le cinéma, c’est évident. J’ai joué dans trois films[1], appris à faire l’acteur, sans aucune pression. Ça m’a décomplexé, tu te laisses porter, ta gueule est à l’écran, tu relativises forcément tes angoisses de chanteur qui s’excuse presque d’être sur scène. Je m’accepte enfin (rires), j’ai pris du recul, c’est pas très grave tout ça. Du coup, je me permets même de faire mon truc de rappeur blanc sur Tant le ciel était sombre et A l’origine. C’est cool (sourire)…

Il y a sur Trash Yéyé, le « ghost track » Woodstock, qui fait clairement référence à ta rencontre avec la sublime Ambrosia Parsley, l’ancienne chanteuse de Shivaree. Que manigances-tu avec elle ?
Ambrosia est une belle personne, tant humainement qu’artistiquement. Elle a voulu me rencontrer après avoir entendu Jardin d’hiver à la radio, t’imagines ? On a commencé à bosser sur son album de reprises à Paris, puis je l’ai retrouvée pour une seconde session « chez elle », à Woodstock, du côté de New York. On va faire un vrai album ensemble en 2008, ça va être chouette.

Puisqu’on parle de collaboration, comptes-tu retravailler avec Keren Ann et ta petite sœur Coralie ?
Je pense que je vais rebosser avec Keren, on s’était un peu perdus de vue, mais ça va mieux, on n’est plus fâchés. Je pense qu’on a encore de belles choses à faire ensemble. On va essayer de faire ça pour 2008. Quant à Coralie, on prépare ensemble son troisième album sur un label indépendant, elle ne peut pas se passer de son grand frère (sourire). On utilise des instruments-jouets comme Pascal Comelade, avec, je l’espère, un résultat plus fluide, mélodieux.

Au moment où je t’interviewe, les fans de Radiohead peuvent télécharger le nouvel album contre une somme symbolique. Que penses-tu de cette initiative ?
Je ne connais pas les tenants et les aboutissants du dossier, mais je suis a priori pas très fan d’une telle démarche. La dématérialisation de la musique me gonfle, j’aime le support physique, manipuler un vinyle, feuilleter un livret, tout ça. Cette histoire de balancer sur le net leurs nouvelles compos me paraît pour le moins suspect, ça fait un peu gosses de riches…

Tu « fêtes » cette année tes dix ans de carrière. Entre ton premier single La révolution, en 1997, et Trash Yéyé, quelle est la chanson dont tu es le plus fier et la collaboration qui t’as le plus marquée ?
Elle est vache ta question… J’aime beaucoup la chanson Dans mon dos, que j’ai entregistrée avec le tromboniste Michel Becquet. Sinon, j’ai une affection particulière pour l’album La Disparition de Keren Ann. Ça m’évoque une certaine période de ma vie, un état d’esprit particulier, de bons souvenirs…

Propos recueillis par Henri Seard

Le 23 au Cabaret Aléatoire à 20h30
Dans les bacs : Trash Yéyé (Virgin/EMI)

Notes

[1] Benjamin Biolay sera prochainement à l’affiche de trois films : Stella et Sang froid de Sylvie Verheyde, et En visite de Vincent Dietschy.