L’homme de Londres - (France/Hongrie – 2h12) de Béla Tarr avec Miroslav Krobot, Tilda Swinton…

L’homme de Londres – (France/Hongrie – 2h12) de Béla Tarr avec Miroslav Krobot, Tilda Swinton…

Les promesses de Londres

cine-homme-de-Londres.jpgDu film noir, on connaissait les ambiances, les codes et les maîtres. Avec le dernier film de Béla Tarr, il faudra désormais revoir notre palette chromatique et aborder ce qu’il convient de nommer le film gris. Gris comme la synthèse du noir & blanc très stylisé du réalisateur hongrois, gris comme l’ambiance qui transpire de cet étrange film adapté d’un roman de Simenon, gris aussi comme notre mine à la fin de la projection. Déception d’une nature bien singulière, puisqu’on a le sentiment d’avoir vécu un moment rare et creux à la fois, d’avoir perçu un film double, une sorte d’essai cinématographique schizophrénique. Sur la forme, L’homme de Londres est une vraie réussite : le cadre, les mouvements d’appareils qui semblent balayer tout l’espace, les raccords invisibles et presque magiques — tout ici respire le grand cinéma et la maîtrise de son auteur. Malheureusement, il y a aussi le fond et là, ça se gâte sérieusement. Si le roman originel n’a rien de bien sexy, le récit prend à l’écran des faux airs de Maigret, voire pire : d’inspecteur Derrick. Si L’homme de Londres est un polar, il est franchement ennuyeux. De plus, dans les rares moments où les personnages sortent de leur mutisme, le film tourne au ridicule, les dialogues à l’absurde. Il faut l’avouer : on frise parfois le néant. Et pourtant, les images défilent toujours à l’écran, d’une plastique toujours aussi subtile, d’une technique étourdissante. Entre le fond et la forme, le divorce n’est même pas consommé : l’union n’a jamais eu lieu. On cherche en vain l’humain dans ce dispositif (trop) bien huilé, ces infimes traces de sentiments qui font appel à notre part sensible et permettent à la matière de prendre vie. Le film se termine, l’énigme se résout mais c’est trop tard : nous sommes déjà ailleurs, depuis longtemps.

nas/im