Les Vêpres de la Vierge bienheureuse : jusqu’au 28/03 2009 aux Argonautes

Les Vêpres de la Vierge bienheureuse : jusqu’au 28/03 2009 aux Argonautes

Traversée de l’amer

Dans une valse du temps qui mène à l’éternité, les Vêpres de la Vierge bienheureuse sonnent le glas de la narration linéaire et célèbrent l’avènement d’une langue physique et mythique à découvrir.

vepres-de-la-vierge-bienheu.jpgErrer : marcher çà et là, au hasard. S’égarer. C’est bien ce à quoi nous renvoient les Vêpres de la vierge bienheureuse. Du texte du dramaturge italien Antonio Tarantino, la compagnie Lalage extrait une parole, ou plutôt un flot de paroles erratiques, porté dans un monologue par le formidable Pierre Palmi. Robuste, de forte carrure, il divague ainsi dans le petit écrin des Argonautes. Il faut dire que le lieu, fortement empreint du passé, tout en miniatures, se prête bien à la mise en scène des errances de ce père qui tente d’accompagner son fils dans la traversée de la mort lors d’une conversation téléphonique imaginaire. En jeu de miroirs, en adresses diverses au public et en corps, l’acteur égrène son discours poétique, entrecoupé d’autres présences qui se superposent à la sienne. Comme dans un tableau impressionniste, le texte agit par endroits, alimentant la métaphore du fleuve de l’Oubli(1) , d’un salut vers un paradis païen. Dans cette tragédie humaine au contexte moderne — la figure du travesti, l’armée, la vie chère… —, Elisabetta Sbiroli revisite les miroirs du passé, nous faisant tanguer aux sons désaccordés d’un saxophone vaguement présent, au loin… On pense au vidéaste Thierry Kuntzel, au flot de la vie devenu éternité suspendue (cf. sa fameuse pièce Les Vagues), le tout dans une langue accessible bien que prolixe jusqu’à l’égarement. Et c’est dans ce tourbillon qu’on se laisse emporter, par la langue, par l’acteur, par l’atmosphère. Une sorte de grâce…

Joanna Selvidès

Les Vêpres de la Vierge bienheureuse : jusqu’au 28/03 aux Argonautes (33 bd Longchamp, 1er). Rens. 04 91 50 32 08

Notes
  1. Le fleuve de l’Oubli ou Léthé, fleuve d’huile dont le cours paisible ne faisait entendre aucun murmure.[]