Touch me de Gurshad Shaheman

Les Rencontres à l’échelle

Identités remarquables

 

Neuf ans. Neuf ans déjà que les Bancs Publics ont imaginé les Rencontres à l’échelle, d’abord à l’échelle de leur lieu, et de ceux qui les entouraient. Aujourd’hui, c’est à l’échelle d’un nouveau territoire inventé par des artistes entre Europe, Afrique et Moyen-Orient, que se construit leur nouvelle édition.

 

Neuf ans : le moment d’effectuer un premier retour sur soi, sur ce qu’on a traversé. Et au vu du début de l’édition, la mémoire est justement à l’origine de certaines propositions. Mais les yeux résolument tournés vers le présent, les Bancs Publics n’ont aucunement l’intention de figer la mémoire de ces artistes, issus pour la plupart d’une deuxième génération post-coloniale.
Tout au contraire, la programmation des Rencontres pose des questions, soulève les corps eux-mêmes agités par les esprits. Bien sûr, il est question d’identité, quoique le mot soit quelque peu galvaudé. Mais comment dire autrement ? Comment en parler ?
Sur le plateau, il sera question de quête de soi avec le triptyque du talentueux Iranien Gurshad Shaheman (T-Trilogy). De ce qu’une adolescente berlinoise veut réaffirmer contre le poids de la tradition kurde (ArabQueen de Nicole Oder). De l’identité fissurée des castes de la bourgeoisie égyptienne (The Last Supper d’Ahmed El Attar), ou celle, multiple, des Caraïbes (Petite île d’Eva Doumbia). Pour faire voler en éclats les préjugés stigmatisants sur le continent africain, Dieudonné Niangouna utilise l’identité de ceux qui luttent (Mohamed Ali sur un ring, Etienne Minoungou sur un plateau), tandis que Thomas Gonzalez utilise les mots du chroniqueur égyptien Youssef Rakha pour nous parler de la colère et de l’impuissance de la jeunesse à renverser l’ordre établi.
Et puis il y a des créations dont on ne connaît pas encore la forme, mais qui tentent d’aborder les choses autrement que ce qu’on nous laisse entendre. Des postures inédites et singulières, du vécu. En témoigne la lecture des textes de l’Iranien Pedro Kadivar, Pays et Abolition des frontières, qui se place résolument sur le chemin du retour au pays natal, après avoir renié pendant sept ans sa langue d’origine. Ou encore la création sans mots que le chorégraphe égyptien Omar Ghayatt, le metteur en scène congolais DeLaVallet Bidiefono et le compositeur belge Maxime Denuc vont concevoir autour de la violence devenue « lointaine » du fait de son exposition médiatique qui l’aurait presque « fait basculer dans la fiction ».
La singularité des Rencontres à l’échelle se situe dans l’attachement à la modernité des artistes qu’elle rassemble, qui réaccordent le poétique au politique. Privilégiant le processus à la fabrication, une équipe artistique franco-arabe inédite, rassemblée par la directrice de programmation Julie Kretzschmar, confrontera enfin ses regards en un seul dialogue sur les impasses et les espoirs de ces territoires de la révolution entrevue mais déjà presque disparue (La Vie est belle ?).

Joanna Selvidès

 

Les Rencontres à l’échelle : du 8 au 29/11 à Marseille.
Rens. : 04 91 64 60 00 / lesrencontresalechelle.com

Toute la programmation Les rencontres à l’échelle ici