Orpheus XXI © Herve Pouyfourcat

Les Rencontres d’Averroès

Il était une foi

 

Pour leur vingt-huitième édition, les Rencontres d’Averroès nous donnent une nouvelle fois matière à penser sur une thématique brûlante : la notion de croyance en Méditerranée.

 

 

« Les hommes qui ne pensent pas sont comme des fantômes »,

— Hannah Arendt

 

On peut s’imaginer que le fait même parler de « croyance » suppose que l’on ne croit plus en grand-chose. Une théorie que Thierry Fabre balaie d’un revers de voix. Car, pour le fondateur des Rencontres d’Averroès, il s’agit de dénouer les questions brûlantes de l’actualité, d’en comprendre les mécanismes profonds grâce aux éclairages de chercheurs et d’artistes aux disciplines variées. Cette année à la Criée, il s’agira de questionner l’écriture de l’histoire, la liberté, la vérité, ou encore d’offrir une lecture critique des grands textes sacrés des religions monothéistes.

Issus des partenaires médias du projet (RFI, Mediapart et La Croix), les animateurs des tables rondes participeront activement au déroulé des débats. Côté intervenants, on retiendra plus particulièrement la présence de Samia Henni, historienne des environnements bâtis, détruits ou imaginés, de Marc Nichanian, professeur d’études arméniennes, écrivain et traducteur, ou encore celle de Abdennour Bidar, spécialiste de l’islam et de la laïcité, qu’on peut notamment entendre sur l’émission de France Culture Questions d’islam.

À la tombée de la nuit, les arts offriront une autre manière d’apporter une réponse à ces questionnements. Ainsi de la création inédite de Wael Bouhassoun, chanteuse et maestra de oud, qui dirige le projet Orpheus XXI (le 19 à l’Abbaye de Saint-Victor). Initié par le grand gambiste catalan Jordi Savall, cet orchestre, soutenu par le programme interculturel Europe Créative, réunit les talents de musiciens professionnels réfugiés pour un concert émouvant et digne qui nous interroge sur la manière de construire une histoire commune à travers le sensible. Le samedi, c’est l’Orchestre National de Barbès qui fera une escale à Marseille (au Moulin) à l’occasion de son vingt-cinquième anniversaire. Cet ensemble bigarré, fusionnant salsa, chaâbi, raï, rock, musique kabyle et gnawa, nous dévoilera les titres de son prochain album, prévu pour l’an prochain. Afin de clôturer l’événement, un quartet d’exception, élaboré comme un immense voyage sous la houlette de Raphaël Imbert, rapprochera avec brio le baroque dramatique de Jean-Sébastien Bach et le jazz solaire de John Coltrane, et leur attrait commun pour le mystique et le spirituel. Le saxophoniste virtuose reviendra en guise de prélude sur la relation qu’entretiennent « la musique et le sacré » au Conservatoire Pierre Barbizet, qui fête cette année son bicentenaire.

En parallèle des Rencontres, fidèle à son public scolaire, le dispositif Averroès Junior se poursuit cette année grâce à l’organisation d’ateliers menés par des journalistes et des auteurs. En une introduction aux médias et à l’information, notamment via la BD-reportage, il se présente comme une manière d’impliquer les élèves en dehors du temps formel du système éducatif, mais aussi comme une manière d’intervenir de l’extérieur, à la demande de nombreux enseignants, pouvant faire suite à l’affaire Samuel Paty.

L’association porteuse du projet, Des livres comme des idées, travaille aussi en étroite collaboration avec le Collège de Méditerranée. Ce cycle de conférences itinérantes propose des espaces d’échanges autour de sujets frôlant parfois la controverse, et va au-devant des individus (dans les centres sociaux par exemple), considérant que leur absence dans des lieux de culture n’en empêche pas l’intérêt.

La formule des Rencontres d’Averroès s’avère d’autant plus légitime qu’elle touche à ce qui fonde le caractère controversé de la cité phocéenne. Marseille est cet espace où la discussion curieuse, quoique véhémente, est encore possible, où l’engatse est légion, où la porosité des tissus sociétaux nous permet encore de voir à travers la matière. Elle est cette ville singulière où « l’accent a encore une saveur, et qui doit assumer sa pluralité et cette grande richesse de ce qui la constitue », comme le dit si bien Thierry Fabre. Et les Rencontres d’Averroès tentent de fabriquer ces moments comme des mondes, dans la mise en place d’une immense agora contemporaine, car « quand on parle, on ne se tue pas ». Une matière à panser ?

 

Laura Legeay

 

Rencontres d’Averroès : du 18 au 21/11 au Théâtre La Criée (30 quai de Rive Neuve, 7e). Rens. : www.rencontresaverroes.com

Concerts : Orpheus XXI le 19 à l’Abbaye de Saint-Victor (3 rue de l’Abbaye, 7e), Orchestre National de Barbès le 20 au Moulin (47 boulevard Perrin, 13e) et Raphaël Imbert le 21 au Conservatoire Pierre Barbizet (2 place Carli, 1er)

Le programme complet des Rencontres d’Averroès ici