Les Rencontres à l’Echelle 2010

Les Rencontres à l’Echelle 2010

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Face à face

Sur l’affiche, une jeune fille en collants rouges se hisse par-dessus un muret et regarde de l’autre côté. Nulle échelle au-dessous d’elle. Son corps va de l’avant, prend le risque de la chute, sans penser au retour sur la terre ferme… Fortement évocateur, le visuel de la cinquième édition des Rencontres à l’Echelle dévoile ainsi l’ambition du projet : regarder de l’autre côté du mur (de nos constructions culturelles) et de la Méditerranée.

Passe-muraille de nos idées préconçues sur l’autre, celui qui habite l’autre rive de la Méditerranée, les Rencontres à l’Echelle sont davantage qu’un festival qui diffuserait des œuvres de culture arabe. Certes, c’est un temps fort de visibilité d’un travail de tissage de relations qui cherchent à être plus sincères, non pas au-delà du clivage Nord/Sud, mais à l’intérieur même de ce clivage.
Et c’est dans ce théâtre aux frontières du réel que les visions fantasmées des uns et des autres se croisent et s’interpellent. Les récits de Mustapha Benfodil, Ryad Girod, Mourad Djebel et Hamid Skif utilisent notre langue — jamais innocemment — pour se souvenir de ce qui les traverse encore, des descentes aux enfers de l’Algérie contemporaine. Ils transforment la sombre réalité en espace de rêveries, où l’exode laisse sa place à une humanité sans passeport (De mon hublot utérin, je te salue humanité et je te dis blablabla, de Julie Kretzschmar et Thierry Niang), où un homme contemple la sagesse des fous (Les Borgnes, ou le colonialisme intérieur brut, de M. Benfodil, mis en espace par l’Algérien Kheireddine Lardjam, avec des comédiens français et algériens), où un individu engage son corps dans la lutte quotidienne des sans-papiers (La Géographie du danger, d’après le roman d’Hamid Skif, chorégraphié par l’élégant danseur hip-hop Hamid Ben Mahi).
Les Rencontres n’en oublient pas pour autant ce que « nos » créateurs ont à dire de ces littératures-là, déliant la langue de ceux qui vivent loin de chez eux. Le plateau des Tribunes1 de Thomas Gonzalez réunira ainsi — via webcam — deux auteurs algériens exilés pour une leçon de poétique, portée au plateau par trois interprètes de talent (Claire Delaporte, Julie Kretzschmar & Najib Oudghiri). Non moins émérites, les acteurs Marianne Houspie et Eric Houzelot mettront en voix les Ravissements de Ryad Girod, sous le regard du jeune metteur en scène Geoffrey Coppini, qui réunit là un casting que l’on attend avec beaucoup d’impatience.
Enfin, soulignons les projets meetic.med, qui croisent les disciplines et font croître les amitiés artistiques du Nord au Sud. Parmi ces propositions, toutes dignes d’intérêt, on retiendra surtout le projet mené par Nicolas Gerber et Ammar Bouras, Tu n’as rien vu, presque.
Au-delà de la réconciliation politique entre les peuples, au-delà du devoir de mémoire collective, ces Rencontres pourraient bien être celles de nos imaginaires singuliers. Preuve en sera avec le concert de clôture des Vraoums, aux paysages mentaux plus que rocambolesques, dans un cabaret-show burlesque punk-folk. Pour résumer : des Rencontres à faire… Soyez sur le pont !

Texte : Joanna Selvidès
Photo : Laurent Philippe

Du 10 au 27/11 à Marseille et dans les Bouches du Rhône. Rens. 04 91 64 60 00 / http://lesrencontresalechelle.com