Les herbes folles (France - 1h44) d’Alain Resnais avec André Dussollier, Sabine Azéma…

Les herbes folles (France – 1h44) d’Alain Resnais avec André Dussollier, Sabine Azéma…

Alain de loin

cine-Les-herbes-folles.jpgN’en déplaise à la majeure partie de la presse spécialisée et au Festival de Cannes qui lui a décerné un « prix exceptionnel », Les herbes folles déçoit. Alain Resnais y emploie pourtant les mêmes ressorts scénaristiques et les mêmes acteurs garants du succès et de la marque de fabrique de ses films les plus récents qui, sans posséder le génie des chef-d’œuvres de la première moitié du « règne » du maître français, brillaient tout de même par leur ludisme et leur intelligence. Le cinéma est un jeu et la vie est un roman, on l’a compris. Mais lorsque le jeu prend le pas sur le récit, que le hasard confine à l’absurde, c’est toute une construction cinématographique qui s’en trouve ébranlée, penchant davantage vers le vaudeville que vers Samuel Beckett. Adapté d’un roman de l’excellent Christian Gailly, qui semblait se prêter à merveille aux élucubrations de Resnais, ce nouvel opus commence pourtant d’une fort belle manière. Mauvaises herbes en plans serrés, fissures de l’asphalte laissant apercevoir les restes d’une nature sauvage… : tout l’imaginaire cinématographique d’un intellectuel des formes revit un instant pour notre plus grand bonheur, ravivant par là les souvenirs merveilleux de Mon oncle d’Amérique. La suite, malheureusement, s’avère d’un autre tonneau. Un sac à main volé, un portefeuille retrouvé, une dentiste passionnée d’aviation, un retraité au passé louche : il n’en faut pas plus mettre sur les rails le petit théâtre filmé des Herbes Folles. D’abord intriguant, puis incongru, le récit peine à trouver son rythme de croisière ; entrer dans la fiction requiert ici un bel effort et une sacrée indulgence. Restent quelques jolies fulgurances formelles — découpage, son, mouvement, couleurs, fausse fin… — qui entretiennent ce sens de contre-pied et de la liberté narrative cher à Alain Resnais. Mais cela ne suffit pas. Nous demeurons imperméables à cette matière de cinéma, comme un jeu auquel nous prêtons notre attention sans jamais en entrevoir l’intérêt ni le but, et surtout sans en tirer de plaisir. Alors que les personnages s’envolent à bord d’un coucou pour un dernier tour de piste qui clôt le film, nous restons cloués au sol. Définitivement.

nas/im