Le Rocher blanc d’Anna Hope

Millefeuille | Le Rocher blanc d’Anna Hope

Quête des sens

 

Véritable odyssée à travers le temps et l’espace, Le Rocher blanc semble parfaitement taillé pour accompagner nos soirées estivales. À mi-chemin entre poème, documentaire et roman initiatique, il retrace les tribulations de quatre destins autour d’un lieu captivant au cœur de la communauté des Wixarikas. Un roman signé Anna Hope que publiera le 18 août la maison d’édition marseillaise Le Bruit du Monde et dont nous vous dressons le préambule.

 

 

 

Au début du roman, on a comme l’impression d’être plongés dans un récit d’exil, ou de plusieurs exils. Une écrivaine anglaise, accompagnée de sa famille, part à la recherche d’un rocher blanc, lieu sacré de la tribu des Wixarikas auquel ils attribuent l’origine du monde, et où sont relâchées régulièrement des offrandes votives par des croyants du monde entier. La scène se déroule dans les confins du Mexique en 2020, au début de la crise pandémique, et pourtant on a la curieuse impression que les temps s’entremêlent. Les conversations s’écoulent, sans ponctuation, comme s’il s’agissait déjà d’un souvenir. Le contemporain se mêle à l’Holocène, aux temps immémoriaux où les chamanes déjà, les Maraakame, développaient leurs connaissances. La chronologie du livre semble construite comme une partition de musique avec pour acmé le rocher blanc où tout converge, décrit dans un court poème qui figure au centre du livre et en constitue la pierre angulaire. L’intrigue propose un aller-retour autour de ce lieu, une épopée sur plusieurs siècles, que l’on pourrait facilement adapter en film tant on a l’impression que l’auteur zoome et dézoome, caméra sur l’épaule.

On y croise un chanteur inspiré directement de Jim Morrison, dans les années 60, pacifiste et alcoolique en cette période de  guerre du Vietnam ; une jeune fille yoemen qui tente de fuir les plantations où on les destine à l’esclavage dans la péninsule du Yucatán, en compagnie de sa sœur. En 1775, on est embarqué sur le navire espagnol de Juan de Ayala le lieutenant, reconnu pour avoir été le premier à cartographier la baie de San Francisco. Et pourtant, malgré ces sauts à travers les âges, la façon impersonnelle de nommer ces personnages à chaque chapitre, la concentration de l’auteure renforcée sur leurs pensées intérieures semble les englober dans un tout. Quelques éléments communs à chaque histoire augmentent la porosité de ses périodes, qu’il s’agisse d’une marque de bière, El Pacifico, ou bien du sens du toucher, particulièrement présent tout au long du livre.

D’ailleurs, le roman se clôture sur le terme « pieds », ce qui, en plus d’y ajouter à la dimension sensuelle et par cela même universelle, apparait comme un hommage aux croyances ancestrales des populations autochtones de cette région. En effet, la tribu Yaquis ou Yoeme a une perception du monde particulièrement ancrée à la terre. Le monde serait divisé en quatre : le monde animal, le monde des personnes, le monde des fleurs et le monde des morts ; et la plupart de leurs rituels est consacré au perfectionnement de ces mondes. Cette reconnexion à la nature se propose comme une alternative spirituelle à l’angoisse qui peut atteindre tout un chacun face à l’inéluctabilité de la mort. Une écriture révélée avec brio par la traductrice Élodie Leplat, qui nous transmet son style à la fois pudique et chargé d’énergies.

 

Laura Legeay

 

À paraître le 18/08 : Le Rocher blanc d’Anna Hope (éditions Le Bruit du Monde).

Rens. : https://lebruitdumonde.com