L’indifférence que suscite la vision du Rêve de Cassandre est finalement à la hauteur de l’étonnement crée par les deux précédents opus de Woody Allen. Voir le cinéaste new-yorkais quitter son imaginaire urbain traditionnel pour s’épanouir dans le polar européen constituait en effet une agréable surprise pour qui côtoie avec plus ou moins de circonspection la boulimie cinématographique d’Allen (un film par an tout de même). Et Le Rêve de Cassandre avait a priori de quoi attiser une certaine curiosité : un vrai polar social, ancré dans un Londres ouvrier et construit autour d’une fratrie contrainte à un homicide destructeur. Il y a fort à parier que l’émergence d’une trilogie londonienne chez l’auteur de Manhattan tient d’une nécessité idéologique, d’une volonté de sortir de son Amérique fantasmée (New York jazzy, burlesque et music-hall) pour dire quelque chose du monde contemporain autrement que par la fable cinéphile. La réussite de Scoop résidait dans l’équilibre ténu entre la partition allenienne (le couple improbable, le récit mélodique) et l’espace étroit du genre policier. L’erreur fondamentale de son Rêve de Cassandre est sans doute de vouloir plaquer un discours moraliste sur ce genre dont il ne maîtrise qu’épisodiquement les rouages. La déshumanisation des êtres, la revanche sociale et la structure tragique font, depuis longtemps, partie de son univers. Mais le terreau ouvrier, la rugosité des quartiers populaires et la médiocrité quotidienne lui semblent encore trop lointains. Dommage Woody, ce film-là aurait été passionnant.