La ville me regarde

La ville me regarde

Le Théâtre du Merlan clôt sa saison de vagabondage avec la présentation de Ville invisible d’Hervé Lelardoux. Metteur en scène, scénographe, plasticien de la lumière, Hervé nous prend par la main et nous emmène dans une déambulation à travers un quartier de Marseille… (lire la suite)

Le Théâtre du Merlan clôt sa saison de vagabondage avec la présentation de Ville invisible d’Hervé Lelardoux. Metteur en scène, scénographe, plasticien de la lumière, Hervé nous prend par la main et nous emmène dans une déambulation à travers un quartier de Marseille.

Comment vit-on Marseille, comment regarde-t-on notre ville ? On marche, on se déplace, on est motorisé, tout est question de vitesse, d’attention et du temps libre qu’on laisse à notre regard. Le photographe cherche un territoire, la cité Bellevue pour d’Agata, Le Grand Littoral pour Valérie Jouve. Une marche panoramique prend forme, les oreilles s’occupent de l’équilibre et la vue peut divaguer et disserter selon ses envies. « Si tu ne marches pas, où vas-tu ? » : formule chère à Bernard Plossu — encore une histoire de photographe. Hervé Lelardoux prend le parti de se fondre dans la ville, il la découvre en choisissant un point, il avance. Chaque mètre compte, des rencontres prennent forme, des histoires se racontent. L’habitant est une mémoire et une légende : par ce qu’il dit, la ville prend un autre sens, un autre dessein. Petite portion de réel, petit surfaçage du panorama, chaque regard est une carte où se mêle une lumière, des couleurs, une ambiance, un état. On trouve un coin dégagé, on choisit de s’asseoir, on pense à soi, à ses proches, à son avenir. Des idées et des projets s’entremêlent et s’organisent par le décor qui nous fait face. Au loin, un immeuble sur lequel on fantasme, qui sont-ils ? D’où viennent-ils ? Comment on y vit ? Marseille, au-delà de la permanence de sa lumière, est une ville de la déambulation, par sa variété de niveaux et d’altitudes, dans cette constance de l’horizon et cette idée que si l’on descend, on rejoindra immanquablement la mer. Il y a cette assurance de s’y retrouver et cet inconfort de l’étrange et de l’inattendu. Vivre Marseille, c’est un pari de renverser les valeurs, de transformer nos habitudes. La facilité des rencontres crée le lien qui rassure, l’éphémère des amitiés crée l’incertitude du devenir. Ville de transit par son histoire (la seconde guerre), on arrive à Marseille presque par hasard, on marche, on flâne et on décide de s’y poser. Combien sommes-nous à vivre au jour le jour ? Combien somme-nous à nous dire que demain, nous serons ailleurs ? Combien serons-nous à être encore là et pour toujours ? Celui qui envisage le quotidien comme « un plus un » est déjà un citoyen de Marseille. Ville invisible n’est pas une performance, encore moins un théâtre de rue. Ville invisible est un mystère qui choisit un jour, une heure, un point de départ. On se retrouve, on se rencontre, on avance par petits groupes et nos sens se dévoilent dans l’expérience de la progression et de l’inconnu, par des détours et des événements imprévus. Le contexte demande une présence, la nôtre. Sommes-nous prêts, sommes-nous disponibles ? Comment fonctionnent nos envies et nos désirs ? Ville invisible est un début de réponse.

Karim Grandi-Baupain

 » Ville invisible » : du 20 au 24 dans la ville. Départs de Lieux Publics (16 rue Condorcet, 16e) toutes les 20 minutes dès 20h30.
Réservations indispensables au 04 91 11 19 20

Autres manifestations sur la ville (voir programmation détaillée dans l’Agenda p. 8-9) :
– Colloque « La ville mise en scène », du 15 au 17 à la BMVR-Alcazar. Rens. 04 42 52 42 40
– « L’Art de la marche » : conférence de Thierry Davila et projection de Gerry de Gus Van Sant, le 16 au ciné(mac) à 18h30.
– « Représentations urbaines » : conférence de Nicolas Feodoroff, les 17 et 24 à Maison de l’Architecture et de la Ville à 17h30. Conférences proposées par les Ateliers de l’image. Rens. 04 91 90 46 76 / www.lavilleinvisible.org