La Mesón et le flamenco

Olé beaux jours

 

Le flamenco et la Mesón sont indissociables, de par l’histoire du lieu et la très forte empreinte culturelle gitane de la région, et par là même la proximité de maîtres de la musique et de la danse. Entre cours de danse et chaudes soirées flamencas, la Mesón est un foyer indispensable et très actif dans la diffusion de cet art unique.

 

 

Rapide retour aux sources : le flamenco résulte d’un art multiculturel qui fait ses premiers pas au milieu du XVe siècle, lorsque des populations nomades du Nord de l’Inde — ancêtres des actuels Tziganes — migrent et s’enrichissent au fil de leurs étapes avant de s’installer, pour les Gitans espagnols, en Andalousie. Fortement imprégnée par la culture arabo-andalouse, d’abord, puis par celles du nord du pays ou d’Amérique Latine de par les épisodes de conquêtes espagnoles, la vision d’ensemble du flamenco porte les marques de ces très multiples racines et alimentations au cours de l’histoire.

Chant, danse, guitare et percussions communiquent et forment ensemble cet art unique qui s’exporte dans le monde entier. Classé au Patrimoine Mondial de l’Unesco depuis 2010 et fêté internationalement le 16 novembre, il a connu une extension telle que l’on trouve, par exemple, plus de trois cent écoles de flamenco à Tokyo.

Particulièrement représenté dans le sud de la France de par la présence d’une très grande communauté gitane autour de Marseille et de Port-de-Bouc, qui a conservé le chant et la guitare flamenca, le flamenco et ses représentants offrent aux écoles de danse de la région d’excellents musiciens, et donc un enseignement qualitatif et renseigné. À Marseille, c’est entre autres à la Mesón que le flamenco vit de belles heures phocéennes, où sont invités ces musiciens de renom. Chacun d’entre eux ayant sa propre patte, les professeurs — Isabel Marquez et Josele Miranda, ainsi que Magali Scotto Di Carlo pour les plus petits — font en sorte de multiplier les invitations d’artistes extérieurs. Cet art étant extrêmement codifié, l’acquisition de compétences de repérage rythmique et de techniques pointues de danse permettent aux initiés de danser sur les notes d’un musicien inconnu, en direct.

« Lorsqu’on est arrivés, les murs transpiraient l’Espagne, dans tous les sens du terme ! », nous dit Sarah en riant. Avant que Sarah Lepetre et Gilles Hosipoff ne reprennent cette salle en 2004, les murs abritaient le centre de danse El Boleco, dirigé par La Rubia — véritable star de la danse flamenca — après avoir été pendant des années un centre culturel espagnol galicien. L’empreinte était si forte que se défaire des atours hispaniques de la salle n’était pas envisageable. El Mesón, c’est la taverne, en espagnol, et le jeu de mot porté par le changement de pronom est représentatif du bien-être que le lieu semble apporter aux élèves des cours de danse comme au public des concerts, tous donnés entre les mêmes murs, sur le même plancher. C’est d’ailleurs la proximité créée par la petitesse de l’endroit qui rend intimiste les soirées musicales, et impressionnantes les soirées « Tablao » (en Espagne, c’est le nom donné aux salles dédiées au flamenco).

« Ici, pas de stress, que de la transpiration ! », précise Josele Miranda, professeur et ancien élève de La Rubia. Après une période d’initiation en début d’année, les élèves font rapidement la rencontre des musiciens dans le cadre de leurs cours, tandis que le chant et la palma (percussions produites à la main) sont assurés par les professeurs, puis par des chanteurs extérieurs, au fil de l’année. Ainsi, les sons sont décortiqués et les phrasés déstructurés, afin que les apprentis se saisissent petit à petit des types de rythmiques et des danses qui les accompagnent. « Le but, c’est que les élèves deviennent des danseurs, et non des répétiteurs, qu’ils acquièrent l’oreille nécessaire à leur autonomie, selon Josele. Le flamenco, c’est un peu vicieux : plus tu avances, plus tu te rends compte que la fin est loin, avant de t’apercevoir qu’en fait, il n’y en a pas, de fin. Tu es sans cesse stimulé, et nous, professeurs, sommes quelque part encore des élèves ! Après le cap des deux ans, les élèves restent, ils sont accro. »

Au-delà des cours, il y a aussi et surtout les soirées « Tablao », où sont invités de grands danseurs et musiciens. Un samedi par mois, la Mesón remet sa « falda flamenca » et organise des concerts, où les élèves peaufinent leurs connaissances et, but ultime, peuvent danser, une fois prêts. La Fiesta de Navidad, organisée à Noël, est la deadline pour certains d’entre eux (ceux qui sont prêts), alors sommés par les professeurs de présenter une danse solo en public. Pour la première « Tablao » de l’année, ce sont les professeurs Josele Miranda et Isabel Marquez qui danseront (le 1er octobre), éblouissant leurs jeunes élèves. Le week-end du 19 novembre, la Mesón accueillera Grenade en proposant un stage avec le grand maître Óscar Quero et une soirée Tablao avec La Debla, l’une de ses jeunes élèves, extrêmement prometteuse et star montante du flamenco.

Maîtres de la musique flamenca, lieu chargé d’histoire, intimité chaleureuse, formation pointue : la Mesón ne cesse d’abreuver les ressources culturelles d’un art multi-centenaire parmi les plus riches qui soient, pied au plancher.

 

Lucie Ponthieux Bertram

 

La Mesón : 52 rue Consolat, 1er.

Rens. : http://www.lameson.com