La Maison des Cerfs présentée au Théâtre du Merlan

La Maison des Cerfs présentée au Théâtre du Merlan

La mort n’est pas une fin

Seuls au monde, nous sommes parfois perdus, mais en même temps éléments de cette globalité. La Needcompany cherche à nous en extirper pour mieux nous y replonger. Attention au risque d’hydrocution esthétique.

La richesse artistique a un prix. A la fois performance et tragédie, avec des va-et-vient incessants entre narration, danse et chant, La Maison des Cerfs s’avère bien difficile à appréhender. Dans le premier acte, en particulier, le spectateur se perd un peu face à une œuvre qu’il pourra juger par moments trop élitiste. Il lui faudra juste se laisser un temps pour la digestion… Une troupe de théâtre évoque en coulisses la mort de Benoît, frère de l’une des danseuses et journaliste-photographe en ex-Yougoslavie. Dans un deuxième acte, moins confus, l’origine de sa mort sera réécrite. A travers ce fil conducteur, Jan Lauwers montre que l’on peut inventer plusieurs histoires ayant une fin commune. C’est d’ailleurs la force du théâtre et des contes de fées. Rien d’étonnant alors à voir les comédiens de la Needcompany revêtir des tenues d’elfes ou de cerfs.
Une même image, une photographie prise par Benoît par exemple, peut cacher plusieurs significations. Cette idée est explorée par un travail sur le corps. Ainsi, des comédiennes dévêtues interprètent tout autant des danseuses nues bien vivantes que des mortes immobiles. Le décès lui-même est une fin, par définition, mais peut être aussi un renouveau heureux, comme l’annonce le final chanté de la pièce. Et la blancheur du décor ou des membres en plastique des animaux peut tout à la fois évoquer la pâleur d’un mort et la beauté saisissante d’un tableau. Vie et mort, passé et présent se confondent donc ; d’autant que Benoît, pourtant décédé, effeuille à haute voix les pages de son journal de bord et propose, avec les autres, de changer son passé. La phrase « Watch out, the world is not behind you » sera répétée plusieurs fois dans la pièce, telle un mantra. A n’en point douter, La Maison des Cerfs est peut-être derrière nous, justement, mais le journal distribué avant le spectacle permettra à l’ex-spectateur d’en refaire l’histoire.

Guillaume Arias

La Maison des Cerfs était présentée au Théâtre du Merlan du 22 au 24/04.