Identités Remarquables | Les Dames de la Joliette

Au bonheur des Dames

 

Focus sur les (drôles de) Dames de la Joliette, dont les voix entremêlées touchent au divin, dans un répertoire aussi poétique que populaire.

 

Elles sont cinq. Cinq chanteuses originaires des différentes rives de la Méditerranée, passionnées par la poésie des femmes, leur travail, leur(s) lutte(s). Elles se rencontrent à l’aube des années 2010 à l’Indalo, boulevard des Dames, dans le quartier de la Joliette. Un quartier populaire s’il en est, correspondant parfaitement à leur répertoire poétique, principalement issu d’Espagne, d’Italie et de Kabylie.

Les Dames de la Joliette, c’est tout d’abord Maura Guerrera. Dès son plus jeune âge, la Sicilienne étudie les modes du chant paysan des collines entourant sa ville natale, Messine. Petit à petit et avec obstination, elle maîtrise les chants traditionnels siciliens, les mélodies orientales et les rythmes méditerranéens. Actuellement partagée entre son île d’origine et sa ville d’adoption, Marseille, elle multiplie les projets avec des musiciens prestigieux, du multi-instrumentiste Giancarlo Parisi à l’incontournable Manu Théron, en passant par Malik Ziad, Thomas Lippens, Germain Chaperon ou Juri Cainero.

Également d’origine italienne, la Marseillaise Annie Maltinti sait rester discrète, mais se montre présente dès qu’il le faut. Après des études de guitare classique, elle complète sa formation en étudiant la polyphonie corse et plus spécifiquement la paghjella au Centre d’Art polyphonique de Corse avec Jean-François Luciani. Annie s’oriente vers la voix, avec la découverte du chant polyphonique occitan, en intégrant la Compagnie du Lamparo et le grand ensemble vocal Madalena, initié par Manu Théron. Récemment, elle crée Nova Troba avec Gil Aniorte Paz autour des formes poétiques troubadours de cercles brésiliens.

Kalliroi Raouzeou tient une place importante dans le groupe, car elle joue du piano et de la guitare. Née à Athènes en 1982, elle étudie le piano et l’harmonie au Conservatoire National de Grèce, avant « d’apprendre » le jazz, le chant et la musique contemporaine à l’Université ionienne de Corfou. Elle s’installe à Marseille en 2010 et évolue dans divers projets comme chanteuse ou pianiste. En 2013, elle crée le FadoRebetiko Project, qui mêle le fado portugais avec le rebetiko grec, le blues des deux pays. Elle rejoint les Dames de la Joliette en 2016.

Nadia Thighidet représente quant à elle la Kabylie, cette terre de culture dont la langue n’a jamais été reconnue, si ce n’est combattue par le gouvernement algérien. Elle débute par un apprentissage classique du piano « à l’ancienne » qu’elle frappe plus qu’elle n’en joue. À quinze ans, elle abandonne de façon naturelle ses gammes pour les percussions traditionnelles cubaines en étudiant à l’école Kunga’ka, avant de se familiariser avec les percussions espagnoles et arabes. Parallèlement, elle s’initie aux chants polyphoniques et traditionnels. Repérée par une chanteuse malgache, elle intègre les Soul Mama’s, apprivoise sa voix et écume, à seize ans, les cafés-concerts de Marseille puis de la région. L’aventure dure plus d’un an, tandis qu’elle poursuit son apprentissage harmonique et choral en option musique au lycée Montgrand.

Enfin, Sylvie Aniorte Paz est la « chercheuse » du groupe. Formée très jeune au chant choral, elle fonde avec son frère Gil le groupe précurseur Barrio Chino en 1992. Cet orchestre important, tant par le nombre de musiciens que par l’ampleur de son activité scénique (tournées en Asie, aux États-Unis et en Europe), a milité musicalement pour la multiculturalité. Son album Mediterra Nostra sera la révélation 2000 des Francofolies. Laissant le groupe quelque peu en standby, elle intègre la Compagnie Rassegna en 2011 avant de rejoindre les Dames de la Joliette en 2015.

En 2014, Gil Aniorte Paz — compositeur, arrangeur, directeur artistique des Chants Sacrés Gitans en Provence et du combo vocal Radio Babel Marseille — les rejoint pour mettre en musique ce petit monde et ainsi atteindre la polyphonie parfaite, dans laquelle chacune des Dames met l’autre en valeur.

La polyphonie est un art difficile car il faut chanter sa partition juste tout en écoutant les autres pour s’assurer de l’harmonie générale. Musiciennes d’exception, les Dames de la Joliette offrent une prestation scénique aussi singulière qu’impressionnante, exécutant certains chants en frappant une table pour imiter les gestes des femmes qui faisaient le pain.

Elles seront en résidence du 24 au 28 septembre prochains à l’Espace Julien, où elles joueront le 5 octobre. En décembre, elles seront en tournée au Sénégal. Reste à savoir quelles inspirations vont enrichir leurs harmonies et rythmes…

 

Catherine Moreau

 

Les Dames de la Joliette : le 15/06 au Théâtre Silvain, dans le cadre du festival CaravanSérail.

Rens : http://lesdamesdelajoliette.fr