Hikikomori – Le Refuge © Siegfried

Hikikomori – Le Refuge par le Théâtre Nouvelle Génération et le Collectif Haut et Court au Théâtre du Merlan

Prisonnier volontaire

 

Hikikomori de Joris Mathieu est venue clore au Merlan un cycle de trois pièces sur la thématique de sortie de l’enfance et de l’adolescence. Jouant sur la modernité technique et un mode de représentation original, le metteur en scène s’est penché sur le phénomène d’enfermement volontaire répandu au Japon.

 

Sur le plateau, un écran en forme d’iPhone géant à l’horizontal, derrière lequel les scènes de réminiscences ou d’imaginaire prennent vie, mises en lumière par un procédé de projection en illusion d’optique. Devant, le couloir qui mène à la porte close de la chambre/sanctuaire de Niels, hall dans lequel les parents impuissants atermoient.
Autour de l’histoire de Niels, adolescent reclus dans sa chambre du jour au lendemain, trois récits distincts étaient assignés aux spectateurs selon leur âge, chacun doté d’un casque et comme ainsi pris dans une bulle narrative. Les trois versions comprenaient un conte onirique, porté par la mère pour accompagner les enfants, et deux variantes pour adultes : le ressenti du père ou les pensées de Niels. Le parti pris de Joris Mathieu de séparer les contenus s’appuie sur la volonté de multiplier les points de vue et de provoquer les échanges entre les spectateurs après la représentation, afin que le dialogue permette de reconstituer les différentes paroles.
Or, si cet ambitieux concept ne semblait pas inintéressant sur le papier, l’expérience vécue est tout autre. Si la curiosité du public est en effet piquée au vif, celui-ci étant désireux de connaître les autres versions, la frustration et la déception peuvent également naître du mécanisme. Ayant ce soir-là écopé du témoignage du père, on se sent lésé de ne pas entendre la voix de l’adolescent, certainement la plus riche (c’est elle qui a donné lieu aux autres dans l’écriture), car tout simplement porteuse du mystère fascinant qui l’a poussé à se retrancher de la société. D’autant plus que les pensées du père, voyageant entre sa propre enfance et son impossibilité à réagir, sont somme toute assez plates.
Encore une fois, les rôles parentaux sont esquissés de façon caricaturale (la mère courage qui s’obstine à maintenir le lien, le père dépassé qui se met en retrait), et il semble assez discutable, voire critiquable, que les spectateurs juniors écoutent l’histoire par le biais de la figure maternelle qui l’édulcore.
Peut-être aurait-il été plus pertinent que chacun ait accès par bribes différentes à toutes les paroles, justifiant ainsi les échanges pour recomposer le puzzle.
De plus, le fait que nous entendions des enregistrements et non pas les acteurs en direct (hormis pour quelques courtes et rares scènes) désinvestit les acteurs sur scène. Le plateau devient le canevas de tableaux d’une beauté esthétique sans conteste, mais perd du même coup son potentiel de jeu au présent et la force de la confrontation franche.
Dommage donc que ce sujet passionnant ait été desservi par un texte inoffensif et un concept au demeurant prometteur mais assez manqué dans les faits.

Barbara Chossis

 

Hikikomori – Le Refuge par le Théâtre Nouvelle Génération et le Collectif Haut et Court était présenté du 30/03 au 1/04 au Théâtre du Merlan

Pour en (sa)voir plus : http://hikikomorilerefuge.blogspot.fr