Hifiklub à la Villa Noailles

Hifiklub à la Villa Noailles

Trans Europe Express

En deux ans, les Toulonnais de Hifiklub auront connu, d’un point de vue artistique, un fulgurant début de carrière. A l’aube d’un concert attendu à la Villa Noailles, qui s’inscrit tout à fait dans sa démarche de groupe de rock ouvert sur l’extérieur, faisons le point.

Hifiklub.jpgPour bien comprendre ce qui va suivre, dans ces lignes et dans les mois qui viennent, mieux vaut aller vite. Alors franchissons d’entrée le mur du son : Hifiklub est la plus belle promesse faite au rock indé dans la région depuis des années. Hifiklub est un jeune groupe de trentenaires, Hifiklub fait du neuf avec des vieux, Hifiklub invite New-York à Toulon, Hifiklub est un paradoxe. Un power-trio qui se rêve en collectif protéiforme, trois accords à la base et tous d’accord à l’arrivée : ça ne suffit pas. Il faut voir grand. Internet. Mes idoles sont à une portée de clic. Le rock’n’roll ? C’est d’abord une paire de burnes : courage, fuyons les tremplins locaux. Allons nous planquer dans l’underground, oui, sous terre, dans la poussière, et plus ça sera pourri, et plus ça fera l’affaire. Le temps presse ! Trois minutes chrono : c’est le temps qu’il me faut. Pour formuler ma requête, pour emporter l’auditoire – pour toujours. Pourquoi pas ? Ils sont venus, ils sont tous là. Quelques centaines de copies écoulées, ça peut suffire à générer un culte. C’est même toute l’histoire du Velvet. Fantasme : la Factory de Warhol transposée dans un trou paumé du Var, avec toute la clique, avec cet écho qui résonne dans la pièce, le sang, le sexe, la dope, et déjà, déjà, un deuxième album qui pointe, un disque encore plus en phase avec le concept initial, plus expérimental… Fantasme ?

Dans le klub

Levons un peu le pied. Un coup d’œil dans le rétroviseur : quelques mois seulement séparent la naissance de Hifiklub de celle de son premier album, French accent, enregistré avec quelques pointures de la scène rock internationale. C’est que tout est allé très vite pour le trio toulonnais. Sa musique, directe, sans fioritures ni temps mort, aurait-elle directement influé sur son parcours ? Une chose est sûre : le talent ne suffit pas. Ce qui fait ici la différence, c’est l’audace, l’opiniâtreté. Et peut-être aussi un peu de chance… Hifiklub se forme début 2006 sur les cendres des Hi-Fi Killers, groupe régional dont le principal fait d’arme fut la parution d’un split-single sur un petit label italien. La section rythmique (Régis Laugier à la basse et au chant, Luc Benito à la batterie) s’adjoint alors les services d’un guitariste pour poser les bases de son projet : un « klub » ouvert aux collaborations, non seulement avec des musiciens qui ne seraient pas nécessairement issus du rock, mais aussi avec des artistes évoluant dans différentes sphères (photographes, graphistes, vidéastes, écrivains…). Hifiklub se veut donc, dixit Régis, un groupe « sans frontières ». Et naturellement, celles que l’on qualifiera de géographiques ne vont pas tarder à voler en éclats… C’est là que l’affaire devient intéressante. Du temps des Hi-Fi Killers, Régis avait noué contact avec Paulo Furtado (Wraygunn/The Legendary Tiger Man). Celui-ci va devenir le premier d’une longue liste de musiciens étrangers – parfois méconnus, parfois véritables pontes du circuit pro – à rejoindre au gré de leur planning les sessions du trio varois. Comment ? Avec de l’huile de coude, et beaucoup de culot. Par mails interposés le plus souvent, ou au hasard de rencontres. Une connexion commune lors du défunt festival Aquaplaning (Hyères), et c’est Robert Aaron (musicien de studio ayant joué avec les plus grands) qui rentre. Un échange via MySpace avec Earl Slick (guitariste connu pour son travail avec Bowie ou Lennon) ? Ça tombe bien : celui-ci cherche à explorer les possibilités offertes par Internet… et leur propose dans la foulée, séduit, de carrément aller mixer leur album. A New-York, dans un studio hi-tech. Ces choses-là arrivent. Une constante : la simplicité dans la démarche, et l’amour de la musique. Régis : « Nous respectons ces mecs d’égal à égal, sans faire prétentieux mais sans faire petit bras non plus. Si l’impulsion part du trio, on leur fait totalement confiance, leur apport n’est pas contesté. » Dès lors, c’est l’effet boule de neige : un nom en appelle un autre. Et c’est ainsi que, quelques mois plus tard, déboule un premier album logiquement auréolé par le buzz.

Downtown 08

L’album se vend peu, mais il fait du bruit. La presse en parle. Il aurait été enregistré dans une boite de nuit désaffectée à la Valette-du-Var (!), un lieu chargé d’histoire(s) – pas toujours très nettes – et fort d’une architecture épurée qui, de l’avis même du groupe, aurait largement influencé la composition et l’enregistrement. C’est une fois encore dans cet endroit immense que le trio (avec un nouveau guitariste plus « sonique » au passage : Nicolas Morcillo) choisit d’enregistrer la suite de ses aventures. Un mot qui compte double : ce second album sera plus audacieux, plus ouvert encore, fidèle au concept initial. Au casting : Lee Ranaldo (le fameux guitariste de Sonic Youth est en charge du mix), Steven Bernstein (arrangeur de renom et trompettiste jazz), Skerik (saxophoniste de jazz expérimental ayant collaboré avec la scène grunge de Seattle) ou encore… Lio qui, avant de ramener sa fraise à la Nouvelle Star, et avant même de devenir une pop model dans les 80’s, avait fréquenté l’avant-garde new-yorkaise. On commence à voir plus clairement où Hifiklub veut en venir. A la charnière des années 70 et 80, New-York était, sur le plan de la création artistique, le centre du monde. Musicalement, on appelait ça la no-wave : des mecs issus du free-jazz venaient s’encanailler avec des punks, des performers se joignaient à eux en apportant leur poésie orale ou picturale (de Basquiat à Lydia Lunch), et tout ce petit monde venait apprendre à désapprendre dans une saine émulation créative. Hifiklub ? C’est Downtown 81 rejoué vingt-cinq ans plus tard sous le soleil de provence… Et quand le soleil est à son zénith, il est Midi : ce festival implanté à la Villa Noailles (Hyères) offre cette année à Hifiklub, fin juillet, une résidence qui s’inscrit directement dans sa démarche. Parce qu’il emprunte une direction artistique exigeante, parce que l’architecture de la Villa renvoie directement à celle du lieu d’enregistrement, mais aussi parce qu’il invite James Chance (pilier mythique des Contortions no-wave) et Robert Aaron (rencontre décisive à plus d’un titre) à venir jouer avec les trois garçons… « C’est pour nous un concert qui synthétise pleinement la démarche du groupe, l’esprit de collaboration qui l’anime du studio jusqu’à la scène. » Hifiklub y présentera logiquement des extraits de son second album, qui sera mixé cet hiver pour une sortie annoncée en début d’année prochaine. A six mois de cette date très attendue, nous avons choisi de rencontrer le porte-parole d’un groupe qui va logiquement exploser en 2009, écouté certains de ses nouveaux morceaux. Nous n’avons pas perdu de temps. C’était dans l’ordre des choses.

Texte : PLX
Photo : CYRILLE WEINER

Le 25 juillet à la Villa Noailles dans le cadre du Midi Festival
Nouvel album à sortir début 2009 (Parallel Factory/Rue Stendhal)
www.hifiklub.com