Festivals Jazz

Festivals Jazz

Freedom Jazz Dance

Les festivals de l’été renouent avec les velléités émancipatrices du jazz… Comme un avant-goût de révolution ?

La présence tutélaire du saxophoniste, musicologue et militant Archie Shepp témoigne du vent révolutionnaire qui soufflera sur les festivals cet été : son free jazz imprégné de blues fera le bonheur des spectateurs de Porquerolles, aux côtés du rapper américain Napoleon Maddox. Le festival insulaire, dirigé par le documentariste Franck Cassenti, offre une pléiade d’improvisateurs hexagonaux et internationaux, dont le batteur Daniel Humair… que l’on retrouve à Jazz Fort Napoléon (La Seyne sur Mer) qui invite aussi le coltranien David Murray, dont le Black Saint Quartet développe un répertoire de colère post-Katrina. Les Marseillais auront l’insigne honneur de retrouver Archie Shepp en conférence à l’Alcazar, avant son set plus « classique » à Jazz des Cinq Continents… A Hyères, gangsta-jazz (Jason Moran) et free (Charles Lloyd) se combinent dans un duo explosif. Jazz militant ? Le Charlie Jazz Festival propose la session la plus insurrectionnelle : la pianiste Carla Bley développe un répertoire « romantique » avec le trompettiste sarde Paolo Fresu ; le trio Sclavis/Romano/Texier joue ses carnets du continent noir comme autant de refus de la Françafrique ; le big band lyonnais de La Marmite Infernale accompagne le Chœur Métropolitain Nelson Mandela, chorale de quatorze chanteuses et chanteurs. Gageons qu’il faudra se lever poings dressés pour chanter Le Chant des Partisans, Les Canuts et moult hymnes sud-africains, et qu’il faudra pousser les chaises pour remuer du bassin sur des grooves infernaux lorgnant vers l’afro-beat… Dans ce phalanstère de la note bleue, actif toute l’année avec une excellente programmation et des ateliers dirigés par le vibraphoniste Bernard Jean, il fera bon déguster la cuvée 2008, enluminée par les projections expressionnistes de Jérémy Soudant et chaptalisée par les fanfares et excellentes premières parties. Retenons particulièremenr la création Dress Code, avec à la rythmique les Marseillais Bec (batterie) et Tailleu (contrebasse), qui ramènent de leurs pérégrinations extra-phocéennes cuivres et pianiste du tonnerre. Jazz dans les campagnes ? Avec le Herbie Hancock Quintet (Dave Holland à la contrebasse) dans son hommage à Joni Mitchell à La Roque d’Anthéron, c’est possible ! Transformer le jazz en vin avec Jazz à Beaupré, où Art-Expression nous convie au pied des vignes du château éponyme, ça l’est tout autant : le public dégustera le set aux consonances jamaïcaines du Monty Alexander Sextet, se délectera du duo pianistique Aronov/Ménillo et s’enivrera de l’émouvant jazz pop oriental du Yaron Herman Trio. Tout cela dans la continuité des bœufs et ateliers organisés, dans les mas du Pays d’Aix durant l’année, sous la houlette du Maître Roger Ménillo. Vent de liberté dans les villes… A Marseille, le festival Jazz des Cinq Continents recentre sa programmation sur l’authenticité : les divas Diana Reeves ou Stacey Kent feront swinguer ; Sandra Nkaké, grande voix du circuit électro-jazz, mettra le feu à Longchamp, et Marcus Miller nous infligera une correction de groove à grands coups de basse. Au fait, c’est gratuit à Toulon pour les sets de Robin Mac Kelle et, surtout, l’ultra hard-bop funky de Stefano di Battista ! En août, Nice revient à une programmation plus « jazzistiquement » correcte avec, notamment, la révolution musicale du Return to forever de Chick Corea et Stanley Clarke. Juan Les Pins, pour sa part, fait dans la hype mais n’en aligne pas moins le légendaire trio Garrett/Peacock/De Johnnette… Enfin, toutes ces insurrections musicales seraient vaines sans la révolution permanente prônée par les camarades du Cri du Port à Marseille ou de l’AJMI en Avignon, qu’on se languit déjà de retrouver à la rentrée… pour encore plus de liberté.

Laurent Dussutour