Dustin Wong © Valerie Paulsgrove

Festival Sons de Plateaux #7 à Montévidéo

Plateaux sapiens

A l’heure où la révolution numérique s’avère acquise, où les machines n’ont pas encore dévoré leurs créateurs, le festival Sons de Plateaux propose de « faire du son pour le spectacle vivant, faire du son un spectacle vivant ».

 

« Je suis persuadé que la musique est du son humainement organisé. Qu’elle soit faite à partir d’une série de six trous dans un tibia de dinosaure, ou avec Max/MSP à l’Ircam, tout dépend de la personne qui souffle dans l’os et celle qui manipule l’ordinateur. » Ainsi, Jean-Marc Montera, directeur du GRIM, entend rappeler comme il est nécessaire de laisser l’homme au centre du processus créatif.
Si Sons de Plateaux nous invite à mesurer l’empreinte du numérique sur les pratiques artistiques — et la société dans son ensemble — il s’agira bien sûr d’évoquer l’outil. Oui, l’outil. Le reflet primaire et sophistiqué de l’homme. Le fameux os brandi dans le ciel au cinéma.

HALternative
« Que la machine devienne complètement autonome comme dans 2001 : l’Odyssée de l’espace… peut-être que cela arrivera un jour. Mais la forme de domination dont nous parlons est liée soit à une forme d’incompétence, soit à un manque de parti pris. Lorsque l’on se trouve dans un rapport d’assujettissement du sujet par l’instrument, ou l’inverse, nous ne sommes plus dans le domaine de l’art. » Pour éviter le totalitarisme : remettre en question nos habitudes, prendre du recul, comprendre, tester… et assister à la demi-journée d’étude (« Pratiques, publics et numérique ») pilotée par des pointures comme Jean-Paul Fourmentraux, sociologue dont le récent ouvrage, L’œuvre virale, Net Art et culture Hacker, analyse les rapports entretenus entre l’œuvre et le réseau. Pour éviter la tragédie : profiter de la performance du Collectif_Skalen ou du live de Tim Perkis, artiste expérimental entre improvisation électronique et exploration sociétale, sous l’égide des interactions homme-machine. Pour éviter le drame : opter pour Dusting Wong et son « orchestre virtuel » de boucles de guitare. Et vu que faire appel aux technologies suggère de convoquer la science : Philippe Beaudelot entend étudier les diverses approches entre création artistique et sciences.
« Nous ne devons pas occulter le fait que les arts que nous appelons technologiques sont des expressions en train de se constituer, qu’aucun d’entre nous ne peut ni ne sait vraiment leur donner un cadre ou en proposer une définition et une interprétation satisfaisante… Laissons ces arts se perdrent dans l’imaginaire, ne savoir ni ce qu’ils sont, ni même s’ils sont des arts. C’est la condition nécessaire, même si elle n’est pas toujours suffisante pour qu’ils vivent. » On ne peut que vous orienter vers ses écrits.

Réincarnation
Revenons-en à nos outils. Car sous les circuits, entre les codes, l’on ne trouve in fine que la main et l’interprétation de l’homme. Toujours. « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les machines sont tributaires de la sensibilité des artistes qui se penchent sur leurs cas », précise Montera dans l’édito du festival. Et même s’il s’agit-là, avant tout, de « considérer l’ordinateur au même titre que la guitare ou le violon » (l’outil, l’os !), on ne peut s’empêcher d’y voir un pied de nez à la fameuse « désincarnation » affublée à l’électronique et à toutes les œuvres qui la traversent. Exit le culte de la modernité entrevu dans la représentation du calcul, exit la déification du code, exit la peur populaire du robot machiavélique obsédé par le fait de détruire son géniteur : « Il faut faire en sorte que l’outil soit au service de l’esthétique, et qu’il ne soit pas sa seule représentation. Il s’agit d’art numérique, comme l’on peut parler d’art pictural : “Numérique” y est un adjectif. » La nuance est de taille. Les portes d’entrées sont multiples. Et le rendez-vous est pris pour bâtir, à travers l’usage des nouvelles technologies sur scène, un art en chair et en os.

Jordan Saïsset

Festival Sons de Plateaux #7 : les 19 et 20/06 à Montévidéo (3 Impasse Montévidéo, 6e).
Rens.www.grim-marseille.com. L'événement sur Facebook.

PROGRAMME

Mercredi 19 & jeudi 20 juin : à partir de 10:00 • entrée libre : projection du film Noisy People (2007) de Tim Perkis (USA)

Mercredi 19 juin – 14:00 > 17:30 • entrée libre : demi journée d’étudesur le thème Pratiques, publics et numérique avec Jean-Paul Fourmentraux (Fr), Annie Chèvrefils-Desbiolles (Fr), Yannick Vernet (Fr), Philippe Boronad (Fr). 19:00 • entrée libre : conférence sur le thème Organicité compositionnelle, l'interprétation des données comme système génératif du son dans l'informatique musicale avec Philippe Boisnard (Fr). 20:00 • 9/7 € – concert/performance Translation par HP_PROCESS (Fr), avec Philippe Boisnard et Hortense Gauthier. 22:30 – concert/performance de Tim Perkis (USA)

Jeudi 20 juin – 19:00 • entrée libre : conférence sur le thème Arts et sciences, avec Philippe Baudelot (Fr). 20:30 • 9/7 €, performance WAVE[s] par le collectif_SKALEN (Fr) avec Michèle Ricozzi, Jean-Marc Montera et Samuel Bester. 22:30 – concert de Dustin Wong (USA).