Festival Seconde Nature 2010

Festival Seconde Nature 2010

La quatrième dimension

Après son annulation de l’an passé, le festival Seconde Nature se re-déploie dans le temps et dans l’espace : une proposition unique dans le champ des musiques électroniques et des arts numériques.

Suite aux péripéties de l’an passé, il fallait bien que cette quatrième édition soit celle du renouveau. Rappel des faits : à trois semaines de la manifestation, l’équipe du festival Seconde Nature se voit en 2009 signifier par la Ville d’Aix qu’elle ne pourra réitérer son expérience à la Cité du Livre, à la suite d’une pétition lancée par le CIQ de la Méjanes. Paradoxe : la municipalité a confié quelques mois plus tôt à Seconde Nature les clefs d’un espace situé également en plein centre ville, la Scène Numérique, lui permettant de donner une visibilité à son activité toute l’année. Le festival se déplace donc en un temps record à la Fondation Vasarely, temple de l’art cinétique où il avait organisé ses précédentes éditions. Mais coup de tonnerre deux jours avant le début des festivités : le Tribunal d’Aix précipite l’annulation de l’événement du fait de l’arrivée de gens du voyage, pentecôtistes, sur les pelouses qui jouxtent la Fondation. Paradoxe (bis) : la Ville d’Aix était avertie de cette installation tout à fait légale depuis longtemps, mais s’est manifestement bien emmêlé les pinceaux (doux euphémisme) dans sa gestion d’une catastrophe plus qu’annoncée… Bref : une somme de malentendus et d’incompétences qui aurait pu sérieusement affecter l’évolution naturelle d’un événement unique à plus d’un titre. Mais en 2010, l’équipe de Seconde Nature tire un trait sur cet épisode : le festival s’implante sur un temps plus long et dans toute la ville (Vasarely et Scène Numérique, donc, mais aussi le Pavillon Noir ou… la Cité du Livre, pour des dates ponctuelles). Mathieu Vabre : « Ça n’a pas été simple… Le problème de fond, c’est que notre équipement ne peut pas accueillir le festival, il manque encore à Aix un lieu adéquat pour nous recevoir. Mais nous sommes globalement très contents de cette nouvelle édition : on retrouve pour la première fois une vraie symbiose entre les deux projets initiaux, Terre Active et Arborescence. » La programmation se partagera plus que jamais entre propositions multimédias, installations, arts visuels et cinéma (voir Expos), tout en gardant à l’esprit cette chère notion de transversalité avec la musique (le cinémix de Radiomentale autour du film culte Koyaanisqatsi, le projet audiovisuel datamatics du compositeur Ryogi Ikeda — voir ci-dessous). Pour ce qui est de la musique, l’équipe de Seconde Nature a toujours défendu l’idée d’une programmation aussi pointue que ludique, écartant toute facilité dans ses choix : les principales têtes d’affiche se font très rares en France. Ainsi de Matias Aguayo (Chilien aux prestations organiques en diable), Moritz Von Oswald (grand manitou du minimalisme berlinois), Pantha du Prince (l’étoile noire teutonne au touché de velours), Redshape (la nouvelle énigme masquée de la techno) ou Moderat (Modeselektor et Apparat avec les vidéastes de Pfadfindereï). Mais si l’affiche, qui se concentre sur un week-end à Vasarely, s’avère fastueuse et n’oublie pas la scène locale (Andromakers, Oh Tiger Mountain, Anything Maria), d’autres prestations s’annoncent comme des temps forts en centre ville (The Chap et Mekanik Kantatik — concerts gratuits). Cette édition devrait donc permettre à Seconde Nature de prendre enfin une nouvelle dimension, à la mesure de ses promesses dans le domaine de la création contemporaine.

PLX

Du 2 au 12/06 à Aix-en-Provence (voir programmation détaillée dans l’Agenda et l’Agenda Expos). Rens. www.secondenature.org

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FOCUS

Ryoji Ikeda

Ce compositeur japonais poursuit un passionnant travail de recherche audiovisuel sur l’esthétique des « data », incarnant à lui seul bien des enjeux du festival. Présentation.

Pour tout dire, l’invitation faite à l’artiste japonais Ryoji Ikeda ressemble bien à un « triomphe » à la romaine, l’homme étant respecté mondialement pour le génie populaire dont il a su faire preuve. Evoquons simplement son œuvre Spectra (festival Nuits Blanches 2008), qui électrisa la population d’une petite agglomération : installée au pied de la Tour Montparnasse, une rangée de spots géants perçait le ciel de Paris, tant et si haut que les colonnes de lumière étaient visibles depuis l’autre bout de la métropole, leur faisceau blanc bleuté emplissant les nuages tel un éclair permanent. Au niveau du sol, les spectateurs entourés d’une musique très minimaliste pouvaient lever les yeux au ciel et se retrouver comme cernés de rayons évoquant la rencontre du troisième type ou celle du Divin… Cette entrée dans l’œuvre d’Ikeda — évidence formelle prodigieuse vue d’en dehors, vertige abstrait ressenti du dedans — se retrouvera dans le spectacle audiovisuel datamatics 2.0. Sa mise en images des données informatiques sous forme de chiffres, de graphiques ou de nuages est d’une facture si élégante et épurée qu’elle aura habillé élégamment n’importe quel magazine ou affiche. Mais le jour venu, nous immergeant dans ces images, assistant à leur ballet hypnotique et à leur mise en relation avec un langage musical minimaliste qui semble naturellement en découler, on pourra s’attendre à observer le spectre vertigineux d’une communication totale et intuitive entre l’homme et la machine.

Jonathan Suissa

Le 10/06 au Pavillon Noir. Rens. www.ryojoikeda.com