Marzo du collectif Dewey Dell © Wolfgang Silveri for steirischer herbst ‘13

Festival Parallèle 04

Un monde à part

 

Depuis 2006, le collectif Komm’n’Act prend le pouls de la jeune création internationale et des nouvelles formes d’écriture scénique via les Rencontres parallèles. Après avoir soigneusement évité la cacophonie « Capitale », le désormais Festival Parallèle articule sa programmation autour de soirées composées mêlant découvertes et artistes plus confirmés. Tour d’horizon.

Pour la première soirée au Merlan, le jeune chorégraphe brésilien Volmir Cordeiro ouvrira le bal avec un solo sur la pauvreté, l’un des enjeux fondamentaux de son travail. Plus grand format, la jeune Maud Le Pladec, qui fait le « buzz » sur les scènes d’Europe et d’Amérique, présentera sa dernière création, Democracy, qui met en jeu six danseurs et quatre batteries autour de la « revendication de l’égalité comme résistance civique ». Arnaud Saury clôturera la soirée avec I’m a love result, fruit d’une récolte de mots d’amour qui ne lui étaient pas destinés, exploitant leurs effets sur lui-même et sa formidable complice Séverine Beauvais.
Au nouveau Théâtre Joliette-Minoterie, les projets d’artistes émergents — la compagnie grecque Vasistas sur la chute d’une civilisation et Geoffrey Coppini, qui rapproche avec insolence son amour du théâtre et celui de la coiffure — partageront la scène avec une artiste plus confirmée, la chorégraphe américano-belge Eleanor Bauer, dans un solo époustouflant de virtuosité, dénonçant précisément la superficialité du geste technique.
A la Friche, Pascale Bongiovanni, « éclairologue et ampoulagiste » comme elle se définit, signera une ode au théâtre, animée par son amour pour les feux de la rampe et les gélates, tandis que le metteur en scène Jean-Pierre Baro revisitera la figure du père via le mythe de Woyzcek.
Enfin, à KLAP, Lenio Kaklea, performeuse grecque, mettra en récit ce que le banal oubli de son code de carte bancaire a impliqué dans sa vie quotidienne, illustrant l’impact d’un trou de mémoire dans notre société automatisée. Les enfants Castellucci se frotteront quant à eux à l’univers de la BD japonaise, et le plasticien marseillais Fouad Bouchoua à la performance scénique à travers… le culturisme.
Parallèlement, à la librairie Histoire de l’œil, six élèves de l’ERAC (Ecole régionale d’Acteurs de Cannes) proposeront de découvrir, sous la houlette d’Anne-Claude Goustiaux, la langue ludique et acerbe de l’Autrichien Ewald Palmetshofer, cousine de celle d’Heiner Muller.
En amont du festival, on se précipitera à la Villa Méditerranée pour découvrir deux films produits par les Films de Force Majeure, Ramallah de Flavie Pinatel et Tirana d’Alexander Schellow, deux façons différentes et complémentaires de traiter le rapport imaginé aux territoires en conflit, aux limbes du réel.
Brésil, Etats-Unis, Belgique, Grèce, Autriche, Italie, Japon, Palestine, Albanie… Le Festival Parallèle, c’est décidément tout un monde.

Joanna Selvidès

  • Festival Parallèle 04 : du 29/01 au 1/02 à Marseille (Théâtre du Merlan, Théâtre Joliette-Minoterie, Friche la Belle de Mai et KLAP, Maison pour la danse).

  • En pré-ouverture du festival, projection gratuite de Ramallah de Flavie Pinatel et Tirana d’Alexander Schellow le 24/01 à la Villa Méditerranée.

Rens. 04 91 55 68 06 / www.komm-n-act.com

 


 

L’Interview
Lou Colombani

 

A toutes celles et ceux qui se passionnent pour un art sans éprouver la nécessité de vivre dans la peau de l’interprète ou de l’artiste, la directrice du Festival Parallèle donne quelques pistes pour monter son propre événement.

 

Lou Colombani Comment est née cette décision de mettre en parenthèse ton désir d’actrice pour t’occuper d’un festival ?
J’en ai eu assez en tant qu’actrice d’être tributaire du désir de l’autre. Je n’arrivais pas à me situer. J’ai donc repris mes études avec un master de dramaturgie et d’écriture scénique sous la direction de Danielle Bré, qui dirige également le Théâtre Antoine Vitez à Aix-en-Provence. Le contenu des cours était inventé avec le corps enseignant, les analyses et les critiques faites en commun. J’ai choisi la filière « Programmation » avec cette question : quels sont les enjeux d’une programmation ? Ce que j’ai constaté, c’est la difficulté à se situer à la sortie des études. J’ai voulu créer un entre-deux, un endroit où s’écrit l’identité artistique et un moyen de préserver cet endroit, car il y a un caractère spéculatif autour de l’artiste, sans oublier le maître qui valide l’élève. J’avais envie de trouver un autre biais, de partir sur un projet de jeunes avec des jeunes.

 

Le Festival Parallèle s’est donc créé pendant ton master…
J’ai annoncé d’emblée l’envie que ça se réalise et Danielle Bré a souhaité m’aider en programmant la première édition en 2006 au Théâtre Vitez. Ensuite, il y a eu une proposition d’intégrer le festival au théâtre et j’ai préféré le ramener à Marseille, puisque c’est là que je réside. Entre la première et la deuxième édition en 2009, on a prolongé le travail en obtenant des résidences pour les artistes. En 2009, les Bernardines, Montévidéo la librairie Histoire de l’œil et la Région se sont associés au festival, ce qui a permis de remplir un vide. Pour l’édition de 2011, je me suis posé la question sur mon envie de continuer et sous quelle forme. Dix jours de bénévolat, ça épuise une équipe. Pour cette édition, j’ai retrouvé du plaisir. Les postes sont rémunérés, il y a aussi une mutualisation des services de communication avec l’Officina (Dansem). Je me sens proche de Cristiano Carpanini, on a une vision identique sur beaucoup de sujets et on échange beaucoup avec une envie de faire les choses ensemble. On a deux structures fragiles, on s’entraide.  Enfin, il y a un rapprochement avec le Merlan pour l’aide à la production, les résidences et l’hébergement de notre structure dans leurs bureaux.

 

Quid de MP 2013 ?
Notre dossier n’a pas retenu l’attention de MP 2013. Il se pose aussi la question de la réciprocité des rapports. Je ne voulais pas participer à cette grande fête si les relations ne sont pas saines. En ce qui concerne l’après, ça aurait pu mettre en danger l’existence même du festival, parce qu’on aurait outrepassé nos capacités. Je prends le temps de choisir les artistes, de décider de la programmation. J’installe une relation avec des interlocuteurs en qui j’ai confiance, mais il n’y a pas de tour de table, je me permets de prendre des risques.

 

Nous voilà en 2014 avec cette quatrième édition qui annonce un ensemble extrêmement bien construit avec une part belle à la danse (voir ci-dessus).
Mon intérêt a toujours penché entre la danse et le théâtre. Il y a une porosité évidente entre les deux, ce ne sont plus des disciplines cadrées. Dans l’idéal, j’aimerais que ce festival devienne un temps fort qui participe à la dynamique de la ville avec un meilleur maillage du territoire pour que les artistes diffusent leur travail. Je crée aussi des liens avec l’international.

 

Qu’est-ce qui distingue le Festival Parallèle d’Actoral et de Dansem ?
Actoral est hyper important pour faire venir à Marseille la scène nationale et internationale des nouvelles écritures. Dansem crée un rapprochement de la production et de la diffusion axé sur la danse en Méditerranée. Le Festival Parallèle travaille de la même manière que Dansem, d’où une mutualisation des services. Je suis pour le rapprochement et les prises de relais. Actoral a programmé des artistes qu’on avait déjà programmés. Mais la question du sens doit rester au centre.

Propos recueillis par Karim Grandi-Baupain

 

La programmation jour par jour du Festival Parallèle ici