Joseph de Alessandro Sciarroni © Rosaria Filippetti

Dansem 16 à Marseille, Aix-en-Provence et Arles

Changement des corps

 

A l’heure de la disparition des corps derrière les écrans, Dansem, rendez-vous chorégraphique hivernal devenu incontournable, donne l’occasion de revenir au corps et à tous les possibles qu’il exprime. Une façon, ou plutôt vingt et une façons, de découvrir des artistes singuliers et de célébrer les différences plutôt que de s’enliser dans un individualisme désincarné. Tour d’horizon d’une seizième édition décidément polymorphe.

 

Parce que l’année est un peu spéciale, Dansem s’est fait cette année en deux temps. Ainsi, à la fin de l’été, d’aucuns ont pu assister à la restitution des Miniatures Officinae à la Friche Belle de Mai, un projet que L’Officina aura porté pendant presque cinq ans entre les deux rives de la Méditerranée. Le thème en était l’amour et le rapport à l’autre, c’était la fin de l’été, il faisait beau, il faisait chaud, dans le cadre d’un Août en danse plutôt réussi.
Aujourd’hui, à l’heure de ressortir nos manteaux pour aller au théâtre, ce que propose Dansem ne s’est pas contraint ni à un thème, ni à un territoire, ni à une tendance de la danse. Tout au contraire : cette seizième édition est un florilège de ce qui se fait sur les plateaux et montre une grande diversité des pratiques.
Quoi de plus inattendu que les deux propositions d’Alessandro Sciarroni, qui vient sur notre territoire pour la première fois ? Dans Folk-s, le chorégraphe italien revisite le folklore tyrolien, en l’occurrence le Schuhplattler, ballet bavarois exclusivement masculin, « tout en frappe-cuisses et claque-sol », pour évoquer une forme d’absurdité du rituel. Dans Joseph, il s’agit d’interroger la rencontre par écrans interposés, avec une performance réalisée en direct à partir de Chatroulette et différentes webcams.
En un sens, avec ces deux propositions aux esthétiques et aux réflexions différentes, l’artiste italien symbolise à lui seul cette seizième édition : la volonté de montrer un florilège de ce qui existe sur les plateaux de danse, ici et ailleurs, sans considération esthétique anticipée.
C’est pourquoi dans le même festival, on pourra aussi assister à la démoniaque et jubilatoire performance trans(e)formiste de la Capverdienne Marlene Monteiro Freitas — du collectif Bomba Suicida, tout un programme ! — qui nous avait déjà hypnotisés par son mouvement de hanches pendant le festival Question de danse 2010 aux Bernardines.
Dans cette veine d’écriture décapante, qui passe par le ludique pour créer des récits aussi loufoques que perturbants, il y a aussi l’intégrale des Mémoires du Grand Nord du collectif Mathieu ma fille Foundation — mené par Arnaud Saury et sa joyeuse bande.
Beaucoup plus sobre, l’œuvre de Marc Vincent joue avec l’abstraction pour laisser dériver notre imagination à partir du vide, dont doit se saisir la danse pour exister.
Dans un autre registre encore : la féminité tout orientale de la chorégraphe Bouchra Ouizguen au nouveau Théâtre Joliette-Minoterie ou celle, amusée, de Gunilla Hilborn, qui joue de la réticence de ses deux personnages à s’aimer dans une esthétique toute en finesse.
Et puis il y a ces deux grandes héroïnes de l’aventure de Dansem, à qui le directeur des Bernardines Alain Fourneau a proposé la création d’un duo, élaboré pas à pas dans une délicatesse de sentiments qui leur est bien singulière : la virtuose catalane Maria Muñoz et la sublime Italienne Rafaella Giordano. On attend avec une certaine impatience la rencontre sur le plateau de ces deux icônes de la danse en Méditerranée.

Joanna Selvidès

 

Dansem 16 : du 9/11 au 14/12 à Marseille, Aix-en-Provence et Arles.
Rens. 04 91 55 68 06 / www.dansem.org / www.mp2013.fr

La programmation détaillée de Dansem jour par jour ici