Tosca de Daniele Rustioni © Jean-Louis Fernandez
Tosca de Daniele Rustioni © Jean-Louis Fernandez

Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence

Aix-Novo

 

Pour sa première programmation, Pierre Audi offre non pas une version remaniée du Festival d’Aix, dont il poursuit la ligne instaurée par son prédécesseur Bernard Foccroulle, mais une édition 2019… qui rime avec neuf ! Au programme, cinq opéras inédits et des créations mondiales : un programme plus qu’attrayant qui ravira autant les spécialistes que les néophytes.

 

Chaque été, festivaliers et journalistes du monde entier se précipitent pour retrouver la magie de la cour de l’Archevêché. Dès son arrivée en 2007, Bernard Foccroulle a fait du Festival d’Art lyrique d’Aix une scène ouverte, que ce soit en termes de public, d’ancrage dans le territoire aixois, d’accompagnement de jeunes talents ou de propositions artistiques des plus audacieuses. Sa réputation internationale n’en a pas pour autant souffert, bien au contraire. Pierre Audi, dont la réputation n’est plus à faire — trente ans passé à l’Opéra d’Amsterdam —, vient de lui succéder et doit relever le challenge de la « reprise ». Pour le moment, il ne bouscule pas les acquis du festival, et surtout pas ceux qui relèvent de l’éducation et de la transmission, à travers l’Académie du Festival ou d’actions envers les publics les plus divers. Le récent festival Aix en Juin, un prélude avec des « mini-opéras » de ci de là et diverses autres manifestations participatives, l’a prouvé avec brio.
Pierre Audi propose pour son arrivée un bouquet de nouveautés, avec des propositions menées par trois des metteurs en scène les plus en vue de la scène théâtrale contemporaine.

Depuis plusieurs années, les metteurs en scène de théâtre ont en effet trouvé leur place dans les opéras, apposant leurs empreintes scéniques particulières aux côtés des grands noms des chanteurs lyriques et chefs d’orchestre internationaux, jusqu’à devenir aussi importants que la création musicale. Très tôt, le Festival d’Aix a choisi la direction de ces croisements artistiques entre théâtre, danse et opéra. En 1998, l’arrivée de Stéphane Lissner inaugure la rénovation complète du Théâtre de l’Archevêché avec un Don Giovanni de Mozart mis en scène par Peter Brook. Viendront à sa suite moult grands noms de la scène internationale : Pina Bausch, Trisha Brown, Anne Teresa de Keersmaeker, Luc Bondy ou encore Patrice Chéreau et son inoubliable De la Maison des morts composé par Leoš Janáček. On aurait également pu mentionner Joël Pommerat (Ma chambre froide) et Jean-François Sivadier (Noli Me Tangere) et tant d’autres encore qui ont fait les beaux jours du Festival.

Le concept de mise en scène tel qu’on l’entend aujourd’hui n’était pas à l’origine de l’opéra, se réduisant à la gestion des entrées et sorties et d’une série de gestes stéréotypés pour magnifier le chant, interprété sans incarnation théâtrale. À l’exception du (décidément) précurseur Mozart, qui s’intéressait autant à la direction musicale de ses ouvrages qu’à la vérité théâtrale.

L’incursion de la vidéo dans l’espace scénique de l’opéra a amené un théâtre « post-dramatique » qui privilégie la dimension poétique d’une mise en scène plus que son contenu, comme on le voit chez Jan Fabre et Romeo Castelluci. Ce dernier apparaît d’ailleurs comme l’un des évènements du Festival. Passionné d’opéra, il présentait encore le mois dernier à l’Opéra de Lille sa Flûte enchantée au décor grandiloquent, tranchant avec la radicalité minimaliste de sa seconde partie. Que va nous réserver ce génie de la mise en espace avec sa version scénique du Requiem, dirigée par Raphaël Pichon ? Apparemment quelque chose de plus sage… Quant au directeur de l’Ensemble Pygmalion, il propose également un diptyque consacré aux quatre dernières symphonies de Mozart, cadencé d’airs interprétés par la soliste du Requiem, la soprano australienne Siobhan Stagg.

Davantage dans le sérail du format lyrique habituel, sont montés, pour la première fois à Aix, des opéras de Kurt Weill (Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, au Grand Théâtre de Provence), Michel van der Aa (Blank Out, en création française au Conservatoire Darius Milhaud) et Wolfgang Rihm, avec Jakob Lenz, dans une production signée Andrea Breth, dont ce sera le premier spectacle lyrique en France.

Mais la surprise vient de Puccini, qui n’avait toujours pas été joué au Festival d’Aix. Il accompagne le retour très attendu de Christophe Honoré au Théâtre de l’Archevêché. Cette fois-ci avec Tosca, sous la direction musicale de Daniele Rustioni, par l’Orchestre et le Chœur de l’Opéra national de Lyon. Fraichement auréolé de son Molière pour son merveilleux spectacle Les Idoles, Christophe Honoré creuse à nouveau le sillon du souvenir avec cette Prima Donna retirée des scènes, incarnée par Catherine Malfitano, légende vivante de l’art lyrique qui va passer le flambeau à la jeune génération, incarnée par le ténor star Joseph Calleja et la jeune soprano américaine Angel Blue.

Au Théâtre de Jeu de Paume, ce sera la création mondiale de Les Mille Endormis d’Adam Maor, opéra en hébreu sur un livret de Yonatan Levy, qui signera également la mise en scène. Il sera créé sous la direction de la seule femme chef d’orchestre de cette édition, la toute jeune Elena Schwarz. Une fable universelle, oscillant entre légèreté et gravité dans un mélange de musique électronique et d’opéra de chambre.

Ivo van Hove fait aussi ses débuts aixois avec Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny, dirigé par Esa-Pekka Salonen, un des plus grands chefs mondiaux que l’on ne présente plus et qui affectionne Aix puisque ce sera sa troisième participation. Travaillant habituellement avec les metteurs en scènes de théâtre, il s’associe ici avec l’expérimenté Ivo van Hove, dont Les Damnés avaient révolutionné le Festival d’Avignon en 2017. Le très demandé chef d’orchestre et compositeur finlandais propose également un ciné-concert sur Metropolis, créant un lien judicieux entre la cité autoritaire de Fritz Lang et la ville libertaire de Kurt Weill et Bertolt Brecht.

Cerise sur le gâteau, le saxophoniste belge Fabrizio Cassol, coauteur avec Alain Platel de Requiem, présente en fin de festival son travail réalisé avec l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (OJM).

Des premières et des inédits pour une toute première édition, voilà un pari audacieux pour Pierre Audi. Gageons qu’il sera relevé avec brio.

 

Marie Anezin

 

Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence : du 3 au 22/07.

Rens. : 08 20 922 923 / http://festival-aix.com/fr/

Le programme complet du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence ici