Festival de Cannes : du 16 au 27/05 sur la Croisette

Festival de Cannes : du 16 au 27/05 sur la Croisette

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Les grandes familles

La sphère cinématographique suspend chaque année son vol, quand arrive l’édition nouvelle du très surcoté Festival de Cannes. Modeste, l’équipe organisatrice s’enorgueillit d’offrir une vision du monde inestimable à travers la cinquantaine de films sélectionnés.

Question paillettes, sans conteste, le rendez-vous cannois rassasie bien volontiers chaque année ceux pour qui le cinéma se limite au photogramme de Marilyn Monroe sur une bouche de métro. Cannes charrie son lot de starlettes, moins pétillantes et plus cyniques que dans les 60’s mais animées des mêmes rêves de célébrité, de personnalités du sérail grimpant chaque soir, un rien blasées, les escaliers du Palais sous le crépitement des appareils, de scandales éclatés lors d’une conférence de presse ou d’une projection de film, de fêtes orgiaques pour lesquelles trouver des invitations est devenu un sport local. Fort heureusement, la manifestation ne se limite pas à cela. A Cannes, on voit des films. De très bons, et de très mauvais. Le label cannois d’excellence cinématographique reste une belle supercherie. Car l’on sait depuis longtemps que les critères de sélection mêlent l’esthétique aux choix tactiques quelque peu flous. Le festival n’est plus, depuis longtemps, le défricheur du cinéma qu’il prétend être. Au détour d’une salle, certes, le cinéphile y fera de belles découvertes – principalement dans les sélections parallèles –, mais l’essentiel de la programmation reste furieusement convenu et orchestré autour de cinéastes récurrents. Sans oublier que l’équipe a étrangement fait l’impasse, cette année, sur les réalisatrices, ou sur les premiers films. Cette soixante-cinquième édition affiche, donc, en compétition, de grands habitués de la Croisette, déjà palmés par le passé : Michael Haneke (Amour), Cristian Mungiu (Au-delà des collines), Abbas Kiarostami (Like Someone in Love), Ken Loach (The Angel’s Share), David Cronenberg (Cosmopolis) ou Alain Resnais (Vous n’avez encore rien vu). Cette propension à réinviter sans cesse les mêmes cinéastes, aussi talentueux fussent-ils, laisse tout de même perplexe. Comme si, au sein de la sphère cinématographique, ne régnait qu’une poignée de grandes familles. Heureusement, quelques parents pauvres sont présents cette année dans la sélection, à commencer par Leos Carax, dont Holy Motors annonce le grand retour, après le moyen-métrage Merde, toujours aux côtés de Denis Lavant. Mais également l’excellent Carlos Reygadas, qui signe ici Post Tenebras Lux, faisant suite à Lumière silencieuse. Passons sous silence le prochain Wes Anderson (Moorise Kingdom) ou le Walter Salles (On The Road), qui devraient tous deux phagocyter toute la presse lors de leur sortie, et penchons-nous sur les surprises de la Quinzaine, dont l’essentiel devrait être repris, peu après Cannes, sur les écrans marseillais. Le nouveau sélectionneur, Edouard Waintrop, a misé sur un savant mélange de valeurs sûres (Michel Gondry, Bruno Podalydès, Noémie Lvovsky) aux côtés de films internationaux, visiblement prometteurs, dont certains ne trouveront pourtant pas de distributeurs à leur sortie. Soulignons également le bel hommage au regretté Raoul Ruiz, avec la projection de son dernier opus, La Noche de Enfrente. Du côté d’Un certain regard, le véritable vivier cannois avec les sélections de l’ACID, saluons le retour de deux beaux cinéastes : Koji Wakamatsu avec 11:25 Le Jour où Mishima a choisi son destin, et Darezhan Omirbaev pour son tout nouveau Student. Sans oublier, dans cette même sélection, le film du fils de Cronenberg, Brandon (Antiviral, déjà précédé d’une excellente réputation), le nouveau Delépine-Kerven (Le Grand Soir) ou le dernier opus de Lou Ye (Mystery).

Texte : Emmanuel Vigne
Photo : Holy Motors de Leos Carax

Festival de Cannes : du 16 au 27/05 sur la Croisette.
Rens. www.festival-cannes.fr