Festival Avec le Temps du 12 au 20/03 à l’Espace Julien

Festival Avec le Temps du 12 au 20/03 à l’Espace Julien

Avec le Temps… la chanson se bonifie

Amputé de la présence inaugurale de Mano Solo, à qui cette quatorzième édition est logiquement dédiée, le festival Avec le Temps parvient pourtant à aligner une belle brochette de stars, aussi singulières que différentes dans leur approche de la chanson. Qu’elle soit classique ou barrée, subtile ou frontale, « ancienne » ou « nouvelle » école, celle-ci revêt ici de multiples atours, auxquels ne sont pas étrangers les nombreux artistes « découverte » programmés cette année. Notre sélection.

L’interview : Dominique A

Dominique-A.jpgPersonnage-clef de la chanson française de ces vingt dernières années, tout à la fois franc-tireur emblématique des marges « indie » et figure tutélaire, bien malgré lui, d’une scène qui n’a jamais rien eu à voir avec ce que l’on vous vend actuellement sous un intitulé trompeur, Dominique A est de retour avec l’un de ses tous meilleurs disques. Ventilo s’est associé à son nouveau concert à l’Espace Julien.

Comment se passe cette tournée ?
Bien ! Il y a plutôt du monde même si c’est assez imprévisible, et les échos sont globalement bons avec le nouveau groupe. L’énergie est là, on commence à avoir un fonctionnement de « gang »… Nous jouons beaucoup dans des théâtres ; ça permet d’aller vers d’autres publics. Mais pour être honnête, je rencontre beaucoup de gens qui me suivent depuis longtemps.

Est-ce que tu regrettes, quelque part, de n’avoir pu toucher le grand public ?
Je considère que je suis très chanceux. Pour beaucoup de chanteurs, le succès populaire apparaît comme le Saint Graal. Pour moi, le plus enthousiasmant, c’est de durer, de sentir que les gens autour de toi sont motivés, que le projet ne s’essouffle pas. Cette année, j’ai eu des prix ou des nominations ; ça ne m’était pas arrivé depuis des années : c’est le signe que l’histoire redémarre.

Justement, la critique s’est montrée plutôt élogieuse avec ton dernier album, alors qu’elle avait été moins tendre avec Tout sera comme avant. Peut-on parler d’un nouveau départ ?
Tout discours dans un sens ou dans un autre me paraît caricatural. Il se passe quelque chose, mais, en même temps, je ne vends pas plus d’albums qu’il y a quelques années… C’est difficile d’échapper à soi-même, au sentiment de déjà entendu. J’ai juste travaillé ce disque de façon à ce qu’il soit plus accessible de prime abord, plus dynamique et rythmique, mais je raconte sur le fond les mêmes choses, ça n’a pas tant bougé que ça.

Ton album s’appelle La Musique : on peut appréhender ça comme un titre très présomptueux ou très humble, comme la phase ultime d’un parcours ou comme un nouveau départ… Qu’as-tu voulu faire passer comme idée ?
C’est une manière de présenter cet album comme un absolu, une déclaration d’intention, parce qu’on me parle beaucoup de ma voix de métèque, alors que je me considère comme un musicien. Et puis j’adore comment ça sonne : La Musique. J’aime les titres qui sont tellement génériques et larges qu’ils gardent finalement une part de mystère… Surtout, je n’ai jamais été obsédé par le texte, mais par la musicalité et l’arrangement : j’ai toujours pensé un disque ou une chanson comme étant potentiellement écoutable par quelqu’un qui ne comprend pas ce que je raconte. Je travaille les textes, mais surtout la musicalité de l’ensemble.

Tu es devenu avec le temps un personnage clef de la chanson française, certes à la marge, une sorte de parrain pour une certaine scène qui partage avec toi le goût de l’indépendance. Quel regard portes-tu sur la « nouvelle chanson française » ?
Il y a eu deux générations : ceux qui s’excusaient presque de chanter en français comme Katerine, Miossec ou moi, et qui en même temps n’avaient pas envie de singer les Anglo-Saxons, et puis ceux, au début des années 2000, qui revendiquèrent tout un pan de la chanson à papa et de la variété des années 70. Aller à l’encontre de tout ça était l’une de mes motivations pour faire de la chanson. Donc, il y a des gens que je sens animés par quelque chose de plutôt sincère, et puis d’autres dont le côté trop passéiste me gène un peu. Après, je trouve qu’il y a régulièrement des gens qui arrivent avec des choses intéressantes. Le paysage français est, en tous cas, plus enthousiasmant que quand j’ai commencé.

Propos recueillis par PLX

Le 17 à l’Espace Julien.
Dans les bacs : La Musique (Cinq7/Wagram)
Rens. www.commentcertainsvivent.com

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Jacques Higelin
Son dernier album est une agréable et efficace surprise. Higelin tel qu’en lui-même, s’habille de sons qui semblent choisis pour constituer une somme de clins d’œil, d’hommages. Qui de Sgt Pepper’s (Beatles) et de Blonde on blonde (Dylan), de Jean-Claude Vannier, de Serge Gainsbourg et quelques autres. De Canetti à Saravah, de BBH à Champagne, de Tombé du ciel en Paradis païen, malin, l’enchanteur très nettement marqué use de fantaisie et de légèreté, qui sont à la chanson ce que l’humour est à la vie : une politesse du désespoir. Habitué à viser les milles, seul à œuvrer dans ces eaux-là…
Frédéric Marty
Ce qu’en pense Dominique A
Ce n’est pas quelqu’un que j’ai écouté, j’ai juste le souvenir adolescent d’un duo qu’il avait fait avec Armande Altaï, ça m’avait tétanisé. Je l’ai rencontré à l’issue d’un concert, il était venu me voir et j’avais bien aimé le contact qu’on avait eu. C’est quelqu’un d’important.

MiCkey [3d]
MiCkey avec un grand « C », le MiCkey nouveau des crochets, MiCkey [3d] — et non plus Mickey 3D, le nom de son ancien groupe — est de retour avec La Grande évasion, nouvel album issu de ses ballades solitaires en 2007. Un « road movie », comme il dit. Si le vécu, le réel et l’intime caracolent avec 1988, « un flash-back autobiographique » qui évoque ses dix-huit ans, l’imaginaire n’est pas loin non plus. L’auteur du brûlot écologiste Respire (2003) avait envie de s’éloigner de ses thèmes de prédilection : « J’avais envie de légèreté, d’arrêter ce ton de gravité qui pouvait faire donneur de leçons. On finit par s’agacer soi-même parfois. » Et n’en déplaise au Sud, le Stéphanois consacre une chanson à la capitale. En 2001, dans l’album La Trêve, il ne la supportait pas : « Deux, trois jours à Paris me suffisent à retrouver le dégoût de la ville. » Mais aujourd’hui, avec Paris t’es belle, le chanteur persiste et signe : les choses ont bien changé…
Elise Pinsson

Benjamin Biolay
Putain, dix ans ! C’est donc le temps qu’il aura fallu à Benjamin Biolay pour faire enfin l’unanimité. Auprès de la critique, où les bémols auront laissé place cette année à un concert de louanges, de ses pairs, qui l’ont fraîchement consacré aux Victoires de la Musique, et surtout du public, qui ne fait plus la sourde oreille : La superbe est déjà disque de platine, un véritable exploit dans le contexte actuel. Ce n’était pourtant pas gagné pour le Lyonnais, qui replaça il y a dix ans sur la carte du succès le défunt bouliste UMP avec son Jardin d’hiver. Entre délit de belle gueule (poses germanopratines et conquêtes féminines), procès d’intention (trop timide pour être honnête… et sympa) et chasse au sorcier (sa relation avec Chiara Mastroianni ou son rejet des Restos du Cœur), il n’avait que trop rarement été question du talent du bonhomme, jusqu’à La superbe. Un double monument de pop malade, comme l’entendaient Gainsbourg et Bashung, où se télescopent, irrigués par un éclectisme à tout crin, 23 titres d’une grâce et d’une beauté redoutables. Que le mélancolique BB défendra dans quelques jours, cordes, harpe, trompette, thérémine et volutes de cigarettes à l’appui.
HS
Ce qu’en pense Dominique A
Comme pas mal de gens, je suis en train de devenir assez fan de son travail. C’est un mec super doué. Il y a certes une surenchère autour de lui, peut-être parce qu’on est en recherche de figures tutélaires depuis Bashung, mais il a vraiment des chansons incroyables.

Brigitte Fontaine
« Pour moi, c’est surtout Comme à la radio (NDLR : son album culte de 1969, enregistré avec les musiciens free-jazz de l’Art Ensemble of Chicago). L’un des dix disques français les plus importants. Mais je trouve que son personnage de foldingue fait barrage à son écriture, parfois tellement belle et forte… » En quelques mots, Dominique A résume ainsi l’affaire : une artiste insolite et talentueuse, que le temps et une trop grande propension à faire le pitre ont progressivement transformée en bête curieuse, notamment lors de ses apparitions télé. On aime à railler cette vieille sorcière qui « vous encule, avec son look de libellule. » Mais au-delà de la provoc, Brigitte Fontaine est libre. Tout simplement. A soixante-dix balais, elle continue de donner des concerts, d’écrire des bouquins tout aussi empreints de poésie déglinguée (Le bon peuple du sang, récemment chez Flammarion), se prononce contre les prisons et pour les étrangers en situation irrégulière. Derrière elle, une carrière unique, entre écriture et comédie, enregistrements cultes (sa période Saravah dans les 70’s) et collaborations tous azimuts (de Jacques Higelin à l’internationale arty des années 00). Cette femme transpire la vie par tous les pores. Elle crèvera la bouche ouverte et les poumons secs, mais en robe de soie.
PLX
Ce qu’en pense Dominique A
Pour moi, c’est surtout Comme à la radio (NDLR : son album culte de 1969), l’un des dix disques français les plus importants. Mais je trouve que son personnage de foldingue fait barrage à son écriture, parfois tellement belle et forte. Elle peut être un auteur incroyable.

Nouveaux talents

Qui parmi vous l’attend, le nouveau talent, le prochain déclencheur de cet enthousiasme que l’on doit aux premières fois ? L’attente est parfois longue, et la tentation bien présente de voir dans l’« attention talent » la tentative tentaculaire des détenteurs du goût d’imposer à grands coups (coûts ?) des faiseurs mécaniques. Ce phénomène incontournable est ici tempéré. En effet, de tout temps, le festival Avec le Temps a donné scène à des artistes estampillés « nouveau talent » en les associant à des têtes d’affiches et en leur proposant un format plus proche d’un vrai concert que d’une première partie. Il fait même bénéficier des artistes encore plus confidentiels de son exposition médiatique en relayant leur concert sur la même affiche que ceux plus établis.
Parmi ces « nouveaux talents », Alexandre Varlet, quatre albums au compteur et douze ans de carrière, une personnalité, un univers et des chansons d’une telle classe qu’il est incompréhensible qu’il ne soit pas plus connu. Simeo retient lui aussi notre attention, de par sa fraîcheur et sa pop sympathique, bien qu’il doive encore se méfier du syndrome Maritie & Gilbert Carpentier… Cécile Hercule, chanteuse et comédienne, a quelque chose aussi qui n’a pas échappé à MiCkey [3d], puisqu’elle assure sa première partie sur toute la tournée. Enfin, au rang des surprises et au sein d’une programmation très chanson, le Jazz Poets Quartet de Serge Casero se présentera au Théâtre de Lenche avec une ambitieuse et heureuse combinaison jazz/verbe.

Frédéric Marty

Du 12 au 20/03 à l’Espace Julien (têtes d’affiche) et salles diverses à Marseille.
Voir programmation complète dans l’agenda.
Rens. www.festival-avecletemps.com