Edito n° 195

Edito n° 195

On ne peut plus les voir en peinture. Après une longue et éprouvante campagne présidentielle, on ne peut plus lire un journal sans sauter les pages politique people, on ne peut plus regarder…

Politique Frictions

On ne peut plus les voir en peinture. Après une longue et éprouvante campagne présidentielle, on ne peut plus lire un journal sans sauter les pages politique people, on ne peut plus regarder un JT sans zapper à l’instant où apparaît le Président en short ou le Premier ministre en costume et on ne peut plus écouter la radio sans passer sur les commentaires avisés de tel ou tel intervenant attitré et mettre un bon CD. Et malgré notre ras-le-bol, le calendrier électoral s’emballe et nous promet encore deux semaines de campagne législative. Notre système électoral est ainsi fait qu’il nous propose de désigner nos représentants législateurs juste après avoir choisi, non sans mal, notre monarque républicain. Et donc de nous empêcher de changer d’avis trop vite. Car la messe est dite. Le règne du souverain Sarkozy « le fidèle » a commencé. Et le bon peuple français est sommé d’élire ses vassaux ministres, députés. Alors, on ne peut s’empêcher de se demander pourquoi un tel empressement de ces onze hommes et femmes récompensés de leur acharnement par des maroquins à vouloir être installés à l’Assemblée nationale. Pour le cumul des salaires ou contre la baisse du pouvoir d’achat ? Pour la sécurité de l’emploi ou pour la flexibilité du temps partiel ? Parce qu’ils ne font pas entièrement confiance à leur cher dirigeant pour les reconduire après les élections législatives de dimanche prochain ? En tout état de cause, la démarche est surprenante, voire arrogante. Etre désignés premiers responsables de l’avenir du pays n’est pas un honneur assez grand pour ces illustres personnages. Ecrire les lois dans les cabinets ministériels ne leur suffit pas, il faut que leur suppléant les vote aussi. Le pouvoir exécutif n’est pas assez large dans les institutions de la Ve République, voilà qu’on y ajoute le pouvoir législatif au mépris des nécessaires contrepoids démocratiques. On décrivait déjà avec dépit l’Assemblée nationale comme une vulgaire chambre d’enregistrement des volontés du gouvernement, quelle preuve ces futurs ministres/députés nous apportent !
Et si la logique électorale les donne largement vainqueurs au sein d’un groupe UMP pléthorique, on voudrait quand même s’imaginer qui pourrait loger à Matignon à la place de François et Pénélope en cas de victoire d’un des partis minoritaires de la gauche dispersée après les présidentielles. Dans le passé, les Français ont fait preuve d’invention en imposant le concept original de cohabitation entre un Président et un Premier ministre opposés sur la scène politique. Une sarkohabitation ? Chiche. Nicolas et Ségolène à la tête de l’Etat ? Marrant ou peut-être bien navrant. Nicolas et Dominique ? Juppé ferait la gueule. Nicolas et Marie-George ? Elle lui en ferait voir. Nicolas et José ? Combat de coqs. On se demande qui est le plus teigneux… Nicolas et Olivier ? Bonjour la baston de bon matin ! On imagine le facteur de Neuilly préparer ses banderoles avec ses potes avant le Conseil des ministres du mercredi: « Nicolas, casse-toi ! » Ou « Nicolas, si tu savais, ton armée, où je la mettrai ! ». Alors sans illusion, samedi soir on fait la fête comme d’hab’, dimanche matin on se lève avant 20 heures, on va mettre notre petit papier dans la boîte et on se fait plaisir.

Texte : Pascal Luongo
Illustration : Damien Boeuf