Edito 251

Edito 251

Le mûr de Berlin

9 novembre 1989 : le petit Nicolas usait ses doigts sur le béton armé d’un mur en train de tomber. Jeune idéaliste de l’utopie libérale rêvant d’un monde débarrassé des barrières au libre marché, il ne pensait pas encore que vingt ans plus tard, jour pour jour, sa mémoire lui jouerait des tours. Tout excité de pouvoir raconter son expérience historique, à mi-mandat de son jeu présidentiel, il en a oublié que ce jour d’automne, il ne pouvait vraiment se trouver là. Le storytelling a ses limites. Le jeune militant RPR n’est en fait venu qu’en touriste, plusieurs jours après la chute, récupérer son bout de mur pour le mettre dans sa chambre.
Aujourd’hui grand chef, il a pu mettre en pratique les idées de son temps. Deux ans et demi de pouvoir tendant dangereusement vers l’absolu ont posé les bases d’un profond changement. Fidèle à la thérapie de choc pensée dans les années 70 par une frange d’économistes nord-américains de l’école dite de Chicago, il applique méthodiquement la stratégie violente d’appauvrissement des budgets publics, déréglementation et privatisation appliquée en temps de crise.
L’hexagone a su résister tant bien que mal jusque-là aux sirènes de la contre-révolution de droite, soucieux de préserver l’équilibre social issu d’après-guerre. Le credo plus ou moins affiché de notre cher dirigeant est donc aujourd’hui de défaire ce programme du Conseil national de la Résistance. Il avait abouti alors à la nationalisation des ressources naturelles, des assurances et des banques, à la création de la Sécurité Sociale et à l’affirmation de la liberté et de l’indépendance de la presse.
Du bouclier fiscal à la suppression de milliers de poste de professeurs, du juge d’instruction et de la privatisation d’EDF/GDF et bientôt de La Poste, le gouvernement s’en donne à cœur joie. A la veille de nouvelles élections, la recherche d’identité franchouillarde ressurgit de nulle part, là où elle aurait dû rester. Dans un documentaire sorti en salles le 4 novembre, Walter, retour en résistance, le réalisateur Gilles Perret redonne de la voix à ces vieux messieurs, héros de leurs temps pour s’être engagés. L’un d’eux nous dit que « résister, c’est garder sa capacité d’indignation ». Si l’identité française doit compter ses valeurs, en voilà une, toute fraîche.

Victor Léo