Des airs du Sahara

Des airs du Sahara

C’est au Nomad’Café, repère de leur producteur Nuits Métis, que la tribu hybride d’ElectroDunes a choisi de se dévoiler. Entre karkabous du désert et musique électro, leur premier album, étrangement évocateur, propose une vibration chaude et enivrante, comme un voyage quasi-mystique en Algérie… (lire la suite)

C’est au Nomad’Café, repère de leur producteur Nuits Métis, que la tribu hybride d’Electro Dunes a choisi de se dévoiler. Entre karkabous du désert et musique électro, leur premier album, étrangement évocateur, propose une vibration chaude et enivrante, comme un voyage quasi-mystique en Algérie.

Les membres d’Electro Dunes sont à l’image de leur musique : réservés mais généreux. C’est donc en toute simplicité qu’ils évoquent leur premier album, Saharian Vibes. Avec le succès non démenti des musiques du monde, leur style limpide aux accents langoureux a tout pour séduire les oreilles audacieuses. Cosmopolite, Electro Dunes est composé de Barbès D, membre fondateur du groupe Jamasound, de Saïd Touati et des frères Douli (Hafid et Houari), dont le plus âgé partage déjà sa vie entre Marseille et l’Algérie. Tout commence à Beni Abbès, lorsque Houari Douli et Saïd Touati, membres du groupe algérien El Maya, font la rencontre de Barbès D. On est en 2004 et le musicien français, en quête de nouvelles expériences, décide de partir une semaine au pays pour travailler sur un projet mêlant électronique et chants traditionnels algériens. Pourquoi pas ? « A Oran et Alger, on connaît l’électro comme dans n’importe quelle grande ville du monde… Mais nous, on vient du désert. Dans les villages comme le nôtre, ça n’est pas encore vraiment répandu ! » explique Saïd en souriant. Le pari, bien que réalisable, est difficile : même s’ils se connaissent maintenant depuis deux ans, les membres du groupe n’ont pu travailler « vraiment ensemble » que trois mois en tout. Et l’adaptation de deux d’entre eux à la France n’allait pas de soi « tant pour le mode de vie que pour la façon dont chaque pays vit le chant » précise Saïd. Selon lui, la notion de rythme est différente au Sahara : les chansons vont crescendo, le tempo, lent au début, s’accélère au fur et à mesure. « C’est une musique qui est normalement pensée pour la transe là-bas » ajoute une responsable de Nuits Métis. Hafid, son frère, connaît bien la culture marseillaise. Sa présence a permis de tendre une passerelle entre les deux univers musicaux, et c’est aujourd’hui lui qui compose les textes. Passerelle entre deux mondes évoluant à des rythmes différents, il a su concilier modernité et tradition. C’est aussi avec conviction que le groupe revient sur des thèmes qui lui sont chers : « Un des textes (Zine Lamama) est vraiment d’inspiration religieuse et traditionnelle. C’est un peu le fil conducteur de notre album, la chanson qui nous a fait connaître auprès du public algérien et qui montre notre appartenance au pays ». Outre l’amour, thème inévitable, ils reviennent aussi sur la douloureuse histoire du pays : « On raconte la situation dans laquelle s’est trouvée l’Algérie après l’indépendance, le fossé qui s’était creusé entre les différents peuples. Je dis souvent que le pétrole, chez nous, est une vache qui ne nourrit pas tout le monde ! » explique Hafid, d’un sourire résigné. De Marseille au cœur du désert algérien, alors qu’il n’est pas toujours facile de réaliser un album, ElectroDunes a le mérite de ne pas céder à l’occidentalisation qui tendrait vers un dub « sauce algérienne ». Leur originalité est réelle, et c’est Barbès D qui met son talent au service de ce nouveau genre, qu’ils qualifient d’« arabian reggae dub ». Une rythmique dub que Barbès D voudrait parfois « un poil en retrait sur les voix et les instruments », comme s’il voulait surtout que le texte nous touche personnellement… Enfin, sur scène, les artistes ont un réel pouvoir d’envoûtement : « Un disque, c’est très carré. La scène nous donne bien plus de liberté » expliquent-t-ils. Ovni dans un paysage musical oriental saturé, Electro Dunes offre une expérience unique à son public, et vaudrait bien que l’on fasse un détour cet hiver par Béni Abbes[1]

Jennifer Luby

Dans les bacs : Saharian Vibes (Label Métis/Mosaïc)
www.nuits-metis.org

Notes

[1] Le groupe se produira en effet dans le cadre du festival des Nuits de la Saoura, à Béni Abbes (Algérie) du 1er au 4 janvier 2007. Rens. 04 91 42 86 23