Mère et fils d’Alexandre Sokourov

Cycle « Mémoires sauvées du vent » au Vidéodrome 2

Un vent de liberté

 

Le vent est au cinéma un personnage à part entière : ainsi pourrait-on grossièrement résumer l’une des grandes forces sémiologiques de l’image en mouvement, dont l’équipe du Videodrome 2 nous donne un aperçu lors d’un superbe cycle consacré au vent.

 

Des quatre éléments, l’air que symbolise ici le vent s’est imposé comme l’un des mécanismes narratifs les plus puissants au cinéma. Bien au-delà de sa simple illustration formelle, le vent est l’un des moteurs de réflexion sur notre présence au monde. Il est également l’expression d’une toute-puissance quasi mythologique réduisant dans le champ et le hors-champ l’être humain à une dimension autre : en devenant personnage à part entière, le vent secoue l’ordre établi, et reconstruit l’état originel du monde. Il élabore alors un vaste regard universel qui permet à la poétique du sensible d’émerger. Son souffle, qui terrifiant, qui enveloppant, traverse l’histoire du cinéma depuis — et essentiellement — les premiers gestes du muet. C’est avec une intelligence dont nous sommes désormais familiers que l’équipe du Videodrome 2 décide de consacrer au vent son prochain cycle cinématographique. Impossible de démarrer cette thématique sans la projection du chef d’œuvre de Victor Sjöström, Le Vent, dont les personnages errent dans les plaines de l’ouest américain — la magnifique Lilian Gish en tête —, leur destin balayé au gré des bourrasques. Suivra le sublime Mère et fils d’Alexandre Sokourov, élégie cinématographique touchant à l’universel, où le vent opère ici une fusion totale des corps et des êtres. Mais encore, le jeudi 24 octobre, deux films courts essentiels dans l’histoire du cinéma : Le Tempestaire, immense opus d’avant-garde de Jean Epstein, et le documentaire bien connu dans nos contrées de Joris Ivens, Pour le Mistral. Sans oublier trois classiques incontournables résonnant avec la thématique : Le Cadet d’eau douce de Charles Reisner et Buster Keaton, et ses fameuses scènes de lutte inégale entre l’acteur et un cyclone dévastateur, The Assassin d’Hou Hsiao-hsien, et le mythique Les Moissons du ciel de Terrence Malick. Comme le soulignait Gilbert Durand, quand l’ontologie du symbolisme prend le pas sur la signifiance cinématographique — voire audiovisuelle —, c’est la dimension de l’imaginaire collectif qui affleure sur l’écran, et donne libre cours à la manifestation du sensible.

 

Emmanuel Vigne

 

Cycle « Mémoires sauvées du vent » : du 22 au 27/10 au Vidéodrome 2 (49 cours Julien, 6e).

Rens. : 04 91 42 75 41 / www.videodrome2.fr

Le programme complet du Cycle « Mémoires sauvées du vent » ici