Volta de Yann Leguay

Continuer sans accepter par le Lab Gamerz

Nos futurs

 

Comme il est difficile de refuser mordicus tous ces cookies inlassablement proposés par nos environnements numériques, il est aussi des artistes pour remettre en question un milieu qui, insidieusement, nous cuisine, nous pétrit, nous modèle. Continuer sans accepter, tel est le credo de la nouvelle expo organisée par le Lab Gamerz, dans une petite chapelle du centre-ville d’Aix-en-Provence.

 

Au lieu de se retrouver touché·e·s par la grâce d’une certaine chrétienté vétuste, nous voilà plutôt l’esprit dépoussiéré par les consciences — pour certaines, désabusées, pour d’autres, galvanisées — de nos avenirs. Avec les planches originales du Manuel de Civilité Biohardcore (de la BD d’Antoine Boute, Stéphane De Groef et Adrien Herda) qui feutrent la nef d’un cynisme absurde et bien piquant, à coups de couleurs pétantes et de lestes formules infinitives. Le monde y est raillé en jaune soleil, rose saumon, nuances de vert et de rictus, pour fournir une didactique plutôt bien jubilatoire, et loin d’être civile. De l’autre côté de la pièce, on trouve les dessins de Jean-Baptiste Ganne, des traits de crayon noir sur fonds blancs, transférés et intégrés aux boiseries murales. Cette série, Windhandel, remonte l’histoire capitaliste à la naissance de la première crise spéculative européenne, la « tulipomanie » du XVIIe siècle, pour figurer des tulipes à taille humaine, aux bulbes desquelles personnages masqués, matraqués, cagoulés façon black block, ou casqués façon CRS sont mis aux prises. Pour compléter l’atmosphère de protestation qui fait du langage son Graal dans cette chapelle ­— récupérée par la municipalité, devenue imprimerie et désormais utile aux dépouillements électoraux —, l’installation Book Block fait aussi son petit effet, boucliers éclatants de littératures, fictions ou manifestes. Enfin, c’est évidemment dans le chœur que se trouve Reading Lips, la vidéo de Špela Petrič inspirée par une étude de la (potentielle) « langue » des stomates, ces espèces de minuscules bouches qui babillent sur les feuilles des ficus, dont le lyrisme végétal reste muet mais qui pourrait bien être significatif, si seulement on lisait sur leurs « lèvres »… Et pour nous sortir régulièrement (et brutalement) de ces étonnantes méditations dans lesquelles ces œuvres nous envoient, la technologie sculpturale Volta de Yann Leguay, produit de résidence avec le collectif ∏-Node (qui exposait il y a quelques mois à Art-cade, à Marseille), vient autant électrifier nos regards que nous ouïes, à la manière qu’ont les orages de nous fasciner autant que de nous intimider. Continuer sans accepter parle aux futur(e)s équivoques avec des œuvres transcendantes, qui se rappellent de ce qu’il faut tout en ironisant où il faut.

 

Margot Dewavrin

 

Continuer sans accepter : jusqu’au 16/10 à la Chapelle Venel (27 rue Venel, Aix-en-Provence).

Rens. : www.lab-gamerz.com