Chercher l’or du temps

Chercher l’or du temps

Cet automne, le festival Instants Vidéo nous offre des pépites d’art vidéo, de poésie et de liberté… (lire la suite)

Cet automne, le festival Instants Vidéo nous offre des pépites d’art vidéo, de poésie et de liberté.

Dix-nieuvème depuis l’existence du festival, la nouvelle édition des Instants Vidéo part dans toutes les directions. Transports géographiques, puisque, pour la première fois, les Instants Vidéo s’implantent dans trois pays d’Amérique latine (Argentine, Uruguay, Paraguay) en même temps qu’en France (différents lieux à Marseille, Aix, Martigues et Paris). Manifestations multiples : présentation du DVD Title TK, d’Anne-Marie Duguet, autour de l’œuvre de Thierry Kuntzel le 12 novembre à la Compagnie ; présentation du label indépendant Lowave (édition de monographies d’artistes et de programmations thématiques), autour du programme Résistance(s) le 8 novembre à la Friche ; parution du livre de Marc Mercier Le Temps à l’œuvre, F(r)iction, sorte de mémoire à trous du festival depuis sa création ; workshop (du 7 au 10/11) conçu comme la création d’une Web TV sur les Instants Vidéo…
Le foisonnement de cette édition intrigue et fascine. C’est que les Instants Vidéo accueillent l’art audiovisuel sous toutes ses formes, domaine vaste, en évolution perpétuelle, en proie à des variations thématiques, formelles et technologiques. Ce qui perdure cependant dans toutes ces propositions, c’est le questionnement sur la mémoire, notion autour de laquelle le festival a engagé une réflexion critique, poétique et politique. Comment faire pour que la mémoire des faits passés constitue une mémoire vive, et vivante ? Comment transmettre et que transmettre ? Car la question de la mémoire, c’est aussi (surtout ?) celle de la transmission. Voire de la filiation. C’est le cas notamment dans La Mer des ténèbres, de Santi Zégarra. Installation vidéo constituée de trois moniteurs suspendus à deux mètres du sol et d’une vidéo projetée à terre, elle articule les témoignages de trois membres d’une famille de mineurs maghrébins venus travailler dans la région de Saint-Etienne. La transmission y fonctionne à deux niveaux : par l’image, images d’archives et images actuelles de la mine désaffectée, et par la parole, celles des enfants d’anciens mineurs, qui transmettent à leur tour ce qu’ils ont appris des récits de leurs parents.
Transmettre, c’est encore porter un éclairage sur des pans d’histoire collective auxquels l’Histoire ne s’intéresse pas forcément. Celle d’Oulad I’Viêt Nam de Yann Barte, qui traite de la présence et de la difficile adaptation vietnamienne au Maroc, issue de la participation de Marocains à la guerre du Vietnam. Mais transmettre, c’est aussi donner en héritage une mémoire qui contribue à l’émergence de nouveaux possibles, une mémoire que l’Histoire officielle cherche à passer sous silence. Comme cette histoire, qui concerne tout de même 15 000 ouvriers, racontée par S. Jousse et L. Joulé dans Les Réquisitions de Marseille (mesure provisoire). A la Libération, quinze entreprises marseillaises se trouvèrent décapitées de leur patron, collabo disparu. Récupérées par les ouvriers, elles fonctionnèrent en autogestion jusqu’en 1948. Les archives disent qu’elles réalisèrent d’importants bénéfices…
Et si la morale de cette histoire n’était pas encore écrite ?

Mélanie Rémond

Rens. www.instantsvideo.com