Ça planche 219

Ça planche 219

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Blancheneige
_Par le Badaboum Théâtre d’après les frères Grimm
De Blanche-Neige, la majorité d’entre nous n’a gardé en mémoire que la vision kitsch et manichéenne de Disney. Le conte des frères Grimm recèle pourtant d’autres « vérités » que Laurence Janner, dans une mise en scène audacieuse et interactive, se propose ici de mettre à jour : cette histoire est simple, mais aussi cruelle (comme le sont souvent les contes qui ont peuplé notre enfance). Et pour nous la conter, l’équipe du Badaboum utilise moult sortilèges scéniques — ombres projetées, marionnettes, images numériques — qui, loin de noyer le propos dans des exercices de style superflus, le servent malicieusement. Sublime et insolente, Blancheneige, qui se mire désormais dans des images de synthèses, enthousiasme les petits et envoûte les grands. Pendant près d’une heure, on met notre imagination à contribution, en suggérant (par des voix, le bruitage et la musique) plus qu’en ne montrant : au spectateur d’inventer l’image qui va avec. Bref, une émotion magique et pure, comme la neige qui sert de décor à ce conte sensible et sensuel.
_Du 19 au 29/03 au Badaboum Théâtre

La mère
_De Bertolt Brecht par les élèves de la Manufacture
Créée en 1932 à Berlin, la pièce de Brecht librement adaptée du roman de Maxime Gorki raconte l’éveil d’une conscience politique. Celle de Pélagie Vlassova, une prolétarienne russe qui, d’abord hostile au militantisme communiste de son fils, va peu à peu se ranger à ses côtés, jusqu’à devenir une pasionaria de la révolution bolchevik. Soit le parcours d’un apprentissage à l’envers, où le savoir est transmis de la génération montante à l’ancienne. Ambitieux et audacieux pari que de faire interpréter une œuvre aussi dense aux élèves de la Manufacture (Haute Ecole Suisse Romande) : Jean-Louis Benoit s’en sort avec les honneurs. Fidèle aux indications scéniques du dramaturge allemand, qui souhaitait que la pièce soit montée avec légèreté, le directeur de la Criée privilégie le chœur, musiques et chansons faisant corps avec le récit. Sur scène, quinze jeunes comédiens se réapproprient l’Histoire en entrant avec conviction dans leurs personnages multiples, transmettant un message de courage et d’espoir.
_Jusqu’au 30/03 à la Criée

L’armature de l’absolu
_ D’après Alfred Jarry par le Bunchinger’s Boot Marionnettes
Ubuesque. C’est le mot qui vient à l’esprit lorsque l’on évoque le théâtre d’Alfred Jarry, inventeur du personnage d’Ubu et précurseur extravagant d’un théâtre hanté. C’est dire la part belle donnée à l’imaginaire, le focus sur l’inconscient et tutti quanti. Quand la compagnie Butchinger’s Boot Marionettes s’en mêle, cela donne un univers délirant investi avec délice. Car L’Armature de l’Absolu, c’est du pur Jarry : partant du postulat de base d’une hypothétique ontogénèse de l’auteur depuis sa mort, la pièce convoque l’une après l’autre les créations qui ont hanté son univers. Ubu, bien sûr, mais aussi le Docteur Faustroll et le golem. Passant en revue les figures monstrueuses et obsédées de Jarry, la technique de marionnettes particulière de cette compagnie, associée à un univers sonore et visuel pour le moins déroutant, laisse un arrière-goût dérangeant. Pour le meilleur d’un théâtre dramatique, au service d’un chaos organisé qui habite décidément à la fois le nerf optique et l’esprit.
_Les 21 et 22 à la Friche la Belle de Mai

Il y a quelque chose de très satisfaisant dans le monde moderne
_Par la Cie Vol plané
Dans un appartement, deux personnages burlesques tentent de saisir la réalité du monde contemporain à travers ses excès… « Condamnés à l’immortalité, murés dans le présent », prisonniers inconscients d’un « rapport avec le monde simple, naïf, proche de l’enfance », comme le soulignent les comédiens Jérôme Beaufils et Alexis Moati, ils sont incapables de distinguer la réalité de l’imaginaire. Et ils sont du genre à tout prendre au pied de la lettre : les symboles pour des réalités, les slogans publicitaires pour paroles d’Evangile… Autant de caractéristiques qui font du burlesque un registre incomparable pour montrer, par l’absurde, les travers de l’homme contemporain face aux simulacres des sociétés modernes. Un registre exploré depuis 1994 par la compagnie Vol Plané, qui a cette fois choisi de confronter ses clowns à deux nouveaux phénomènes : la prolifération des objets et l’omniprésence de l’information. En un crescendo hallucinant et désopilant, la compagnie marseillaise livre une parabole hallucinante et décapante sur les illusions et l’isolement de l’homme moderne.
_Du 25 au 29/03 au Théâtre Massalia

CC/BJ