Babel canto

Babel canto

Après une édition 2006 remarquable, le festival Babel Med Music confirme sa place singulière dans le paysage des « autres musiques » : elle est Babel la vie ?

Soucieux de définir une nouvelle géopolitique musicale en conviant les professionnels, les artistes et le public pendant trois jours au Dock des Suds, Babel Med Music défend la diversité culturelle en luttant – avec ses moyens – contre une certaine forme de colonisation musicale. Afin que la renommée de quelques figures incontournables de la « world music » n’altère pas la visibilité d’une énorme partie de la création, le festival a misé cette année encore sur la découverte. Si les artistes locaux ne nous étaient pas inconnus (Dupain, Kabbalah, Electro Dunes…), on découvrait avec beaucoup de plaisir certains artistes dont nous ignorions presque tout. Le premier soir, nous étions quelques-uns (ceux qui avaient écouté le magnifique album Sankèr) à attendre avec impatience le concert de Nathalie Natiembé. La Réunionnaise, déguisée en punkette, teintait son maloya de touches indiennes et africaines bienvenues. Mais la surprise est venue ce soir-là du sud de l’Italie avec Assurd, quatuor féminin qui nous faisait réellement vibrer au son de la tarentelle, avec de belles harmonies vocales et surtout une forte présence scénique. La soirée du vendredi ne s’annonçait pas forcément sous les meilleurs auspices avec la programmation de plusieurs concerts en même temps, ainsi qu’un temps-mort occupé par les déambulations d’une fanfare dans un espace peu adapté : de piètres souvenirs de la Fiesta des Suds alourdissaient alors l’ambiance… Toutefois, deux groupes ont réussi à nous redonner le sourire : l’ensemble Shanbehzadeh, dont le percussionniste n’a guère plus d’une dizaine d’années, et surtout Baba Zula dont le concert a été une véritable révélation. Le premier choc est visuel : habillés comme ils le sont, on jurerait qu’ils reviennent d’une fête à Goa ou qu’ils sont restés bloqués à l’heure du flower power. Pas du tout : nos amis sont turcs, vivent au présent et ont la rock’n’roll attitude avec eux. Un oud électrique et une percussion soutenus par une rythmique électronique complètent le tableau : l’orientalisme psychédélique de Baba Zula est irrésistible ! Pour les absents, il vous suffit d’imaginer la rencontre du Grateful Dead et des Happy Mondays en plein désert. Changement d’ambiance le lendemain : il pleut et c’est déjà le dernier jour. Les professionnels en profitent pour faire fructifier ces trois jours de rencontres et d’apéros (si ces gens-là savent vivre, ils n’en oublient pas pour autant les affaires) et le public marseillais, fidèle à sa réputation, ne se mouille guère, se faisant plutôt discret pour une manifestation de cette qualité. Dommage, ou plutôt tant mieux pour ceux qui étaient présents et ont pu, presque en toute quiétude, profiter de la musique enivrante de Badila – groupe composé d’instrumentistes indiens, iraniens et français – ainsi que celle des Maîtres du Bélé, percussionnistes martiniquais à l’énergie contagieuse. N’oublions surtout pas l’imposante Ilène Barnes qui, entre jazz et blues, est capable des plus belles prouesses vocales… Voilà, Babel 2007 s’achève, toujours aussi convivial et aventureux. En attendant la prochaine édition, on se languit déjà d’écouter sur disque ces belles découvertes.

Texte : nas/im
Photo : Vincent Tuset-Anrès

La troisième édition du festival Babel Med Music se tenait au Dock des Suds, du 29 au 31 mars 2007