Une erreur policière, le choc de la scène, les éléments pour la reconstituer.
À la façon d'un arrêt sur image, Autokèn zoome méthodiquement sur une séquence fictive de violence urbaine et travaille le rapport que l'on entretient avec elle.
La scène est revécue frontalement sur le plateau, Anne Corté incarne par intermittence tous les protagonistes de l'accident par l'éloquence (et l'incongruité) de l'autotune en live.
Des voix et leurs points de vue s’entrechoquent dans ce haletant solo multimédia qui réveille un puissant tableau mental chez le spectateur.
BIO
Anne Corté fabrique des spectacles comme on prépare des surprises. Elle commence la performance par des collages sociologiques baroques et sportifs puis vend son premier spectacle en 2011, une partition de passants, le début d’une série expérientielle où la place du spectateur est partie intégrante du sujet de la pièce. S’en suit une réaction en chaine verticale d’ouvriers cordistes, un duo avec un dindon vivant, une centaine de performances de poétesse jackass, un bal de fantôme où une partie des spectateurs est invitée sur scène à expérimenter la mort.
Puis vient Autokèn, texte lauréat de l'aide à la création d'ARTCENA en 2019, présenté au Festival actoral19 dans le cadre de l'Objet des mots, en partenariat avec la Sacd. La version plateau d'Autokèn sera créée les 30 septembre, 1er et 2 octobre à l'IMMS dans le cadre du Festival actoral21. Anne Corté écrit une nouvelle pièce intitulée Chimie, dont la création est prévue en 2022.
Ses spectacles ont en commun une fascination pour les multiples qui constituent le réel et un certain type d’humour, entre malaise et tendresse.
Distribution
Texte, conception, interprétation Anne Corté
Dramaturgie sonore Laurie Bellanca
Sonorisation / réalisation sonore Maxime Jerry Fraisse
Création lumière Charlotte Ducousso
Remerciements Vincent Thomasset
IMMS - Institut Méditerranéen des Métiers du Spectacle Du 30 sept. au 2 oct. : jeu 20h30 - ven 19h - sam 16h 8/12/16 € www.actoral.org
Friche La Belle de Mai - 41 rue Jobin 13003 Marseille 04 95 04 95 78
Article paru le mercredi 15 septembre 2021 dans Ventilo n° 450
Actoral 21
Le jour d’après
Pour sa vingt et unième édition, le festival Actoral se déploie dans ce qu’il sait faire de mieux, avec une programmation éclectique qui prend le pouls d’un XXIe siècle déjà bien installé.
Le jour d’après est devenu la dramaturgie de notre quotidien. Tout un chacun cherche le commencement d’une histoire dont il ne maîtrise pas les aboutissants. Le monde redevient un laboratoire d’hypothèses dont l’imagerie est incertaine, parce que les grands dogmes ont explosé. Actoral a construit patiemment un réseau d’ententes et de rapprochements qui offrent au devenir de la scène un champ infini des possibles. De la danse au théâtre, de la performance au music hall, l’interprète ouvre des portes et passe de l’une à l’autre dans une aisance proche de la respiration. À la manière de Fritz the Cat, la déambulation devient le lieu d’une rêverie et d’un fantasme inassouvi. Aucune morale n’est pas épargnée et tout se désintègre dans une reconstruction de l’instant. Dans le prolongement d’une expérience génétique, l’art se jette dans des propositions éparpillées, sans ordre préétabli, abolissant la norme et la norme mâle. Il en ressort des sentiments plus ou moins marqués, des souvenirs éparpillés qui ne laisseront qu’une infime trace dans le lointain, mais la dynamique de l’instant présent persiste et construit des relations et des réseaux pérennes, comme autant de plateformes sur lesquelles le travail peut se reconstruire. Actoral aime les success story (Jonathan Capdevielle, Gisèle Vienne, Miet Warlop, Valérie Mréjen), des artistes accompagnés depuis leur début qui deviennent des références. De par l’ampleur de sa programmation, les sujets brûlants de l’actualité ne manquent pas (le transgenre, le féminisme, le dystopique, l’immatériel). Mais il n’est pas question de forum et de débat d’idées dont raffolent les plateaux télé. Ici, le cheminement et la construction d’une pensée se cognent à la réalité de la scène et transcendent le corps de l’interprète. Un halo diffuse le passage du temps, l’odeur du doute, le questionnement du sexe, l’inconscient, la famille, l’argent, le pouvoir. Tout ce qui interroge l’humanité dans son essence et son devenir, dans sa culture et sa rupture.
Monument de kitsch et d’outrance au point d’être devenu culte, le film Showgirls montre l’ascension et la déchéance de son héroïne, une ancienne prostituée déterminée à faire carrière à Las Vegas. Galvanisé par ses précédents succès Total Recall et Basic Instinct, Paul Verhoeven a le champ un peu trop libre pour son époque et ne trouvera pas son public parmi ses contemporains qui, au contraire, raillent son film pour son mauvais goût. La carrière cinématographique de son interprète, la belle Elisabeth Berkley (aka Jessie dans la série pour pré-ados Sauvés par le gong) en fera ainsi les frais. Tout étant affaire d’époques, presque trente ans plus tard, le tandem Marlène Saldana et Jonathan Drillet réhabilite l’œuvre choc dans un spectacle mêlant Beckett et culture queer. Un monologue sur fond de pole dance donnant à entendre les injonctions les plus cruelles du film et le son électro de Rebeka Warrior (Sexy Sushi).
NB : L’auteur sera également au festival Les Correspondances de Manosque en rencontre avec Julie Ruocco le 25/09.
Elisabeth Gets Her Way de Jan Martens
Comme le dit Jan Martens, venir voir « un portrait dansé d’Elisabeth Chojnacka, une claveciniste polonaise qui vivait à Paris, décédée il y a quatre ans, vous pourriez penser “Ce n'est pas pour moi (je le pensais aussi)”. » Et pourtant, le chorégraphe flamand réussit une fois de plus à réinventer sa danse. Il nous fait découvrir, corporellement et avec des documents d’archives, des souvenirs de ses collaborateurs, cette incroyable artiste engagée et avant-gardiste, pour laquelle plus de quatre-vingts compositeurs (parmi lesquels Ligeti, Montague, Krauze, Xenakis, Finzi, Nyman…) ont écrit des œuvres ! Une musique complexe et intense dont les boucles répétitives font vibrer le corps de Jan Martens, à la manière d’un capteur de sons, une vibration électrique, un chaos de pulsations rythmiques… Ou, devenue plus fluide, une musique qui mute en une danse tantôt énergique, enjouée, puis « caresse », en opposition aux frappés rugueux des touches du clavecin. Une musique qui reprend le pas sur la danse et confirme une fois de plus le talent de Jan Martens pour nous surprendre avec génie.