La Tablette de Joséphine Kaeppelin

Trois nouvelles expositions au FRAC

A la recherche du temps perdu

 

Le FRAC PACA inaugure trois nouvelles expositions : Station autour des éditions Pétrole, Les Fantômes de la Crique de Pascale Stauth et Claude Queyrel, et les céramiques et dessins de Stephen Wilks. Chacun y traite de la trace, de la mémoire et du temps.

 

Pétrole Editions défend une pratique expérimentale de l’édition. Selon leurs dires, leur travail « se construit dans une temporalité sur laquelle ils ne peuvent pas influer. » Tel le pétrole, « un mélange organique marqué par les cycles », le nom de la maison d’édition prend cette connotation, opaque et fluide, noire puis irisée. Leur créneau, c’est le livre d’artiste, c’est-à-dire un objet-livre pensé selon son contenu, une forme inédite. Ainsi du projet de Joséphine Kaeppelin, qui propose une réflexion sur le mot tablette, aujourd’hui écran tactile, mais aussi surface d’écriture, outil de communication. Le livre, disent-ils dans ce qui paraît être un manifeste de l’édition, est une séquence spatio-temporelle. Editer devient un acte de transcription du temps.
Au troisième étage, Stephen Wilks propose un parcours visuel, de la bouteille à la mer à la Tour de Babel. Figure récurrente de son accrochage, cette dernière ne peut qu’évoquer cet autrefois doré de la langue unique et de l’entente, le temps d’avant la dispersion. Le mètre ruban de la couturière, enroulé sur lui-même et pointant vers le ciel, est décliné en dessins et gravures, au fil desquels il penche de plus en plus pour finir sur la table centrale, sculpture géante brisée, Tour de Babel déchue. Chaque morceau est annoté en vue de la reconstitution de la tour graduée, un puzzle qu’on essaierait vainement de recomposer. Sortie du bestiaire de l’artiste, une tortue émaillée est positionnée au sol face à sa boîte de transport, sur laquelle Stephen Wilks a inscrit Timeline, un autre indice de cette temporalité qui mêle symboles ancestraux et actualité morbide. Une série de plats, dans l’esprit des assiettes décoratives, montre non pas des scènes de chasse, mais les événements contemporains, les émeutes grecques, un incendie, un pourcentage de dette.
Le paradis perdu est une notion que travaillent également Pascale Stauth et Claude Queyrel, qui se penchent sur les rites du couple, comme un miroir de leur propre statut d’artistes et de compagnons. Point de départ de leurs réflexions, le séjour à Minorque des artistes Hans Hartung et Eva-Anna Bergman, qui avaient pensé leur maison pour qu’elle se module ingénieusement selon leurs envies. On déambule au FRAC dans un espace restreint, encombré de surfaces de plastiques assemblées, succédanés des pièces de la maison minorquine. Entre vie privée et vie publique, ils alternent dans une frise des clichés du couple Hartung / Bergman et des photos d’eux-mêmes imitant les postures des premiers. La mise en perspective de ces gestes quotidiens teintés de glamour, immortalisés en noir et blanc, et de leurs ombres contemporaines colorées est cocasse, mais n’en reste pas moins une façon de s’inscrire dans cette lignée historique du couple d’artistes, de se placer parmi ses pairs sur la frise temporelle, entre citation, hommage et appropriation.

Adèle de Keyzer

 

Stephen Wilks : jusqu’au 7/02

Pascale Stauth et Claude Queyrel – Les Fantômes de la crique
+ Station. Stocker, ranger, déranger : jusqu’au 28/02

FRAC PACA (20 boulevard de Dunkerque, 2e). Rens : 04 91 91 27 55 / www.fracpaca.org

Pour en (sa)voir plus : www.stephenwilks.net / http://documentsdartistes.org/artistes/stauth-queyrel/repro1.html