Prison Possession par François Cervantes

Prison Possession par François Cervantes / Cie L’Entreprise

La chute des murs

 

La prison inquiète et dérange. Mais les détenus peuvent s’évader légalement par le texte et la voix qui le porte. Avec Prison Possession, François Cervantes nous parle de lui, d’eux et de nous pour éviter que nous restions enfermés dehors dans nos préjugés.

 

La lumière s’éteint et nous voilà plongés dans un noir d’encre. Les secondes s’égrènent et l’inquiétude naît. Cette peur est humaine. Nous craignons ce que nous ne connaissons pas, ne comprenons pas, le noir souvent et la solitude parfois. Les deux étant réunis en prison, l’aspiration à la liberté s’avère d’autant plus légitime. Prison Possession y répond par le théâtre. Tout commence par une rencontre de François Cervantes avec des détenus de la Prison du Pontet en 2012. Pendant deux ans, le metteur en scène va entretenir une correspondance avec eux.
Les lettres se succèdent et la parole se libère. Les détenus tâtonnent sur papier pour oser se livrer et se délivrer. L’éclairage, léger, arrive enfin sur scène. Nous ne percevons que le visage du comédien, François Cervantes lui-même, et un carré d’ombre au sol. Celui-ci s’agrandira lentement au fil du spectacle pour dévoiler une table et une chaise, qui pourraient être celles d’une cellule ou d’un auteur. Tout au long de la pièce, détenus, metteur en scène et spectateurs partagent ainsi un peu de solitude et beaucoup de texte. Au départ, l’évocation des souvenirs de François, enfant, au Maroc et en France, répond à l’autobiographie (le réel) et à la poésie (le rêve) souhaitées par les spectateurs prisonniers absents. Pour qu’ils montent sur scène, François les fait évader par une ventriloquie artistique donnant la parole à l’un d’entre eux, Erik. Un pont se créée « entre les corps et les mots ». Avec l’expérience et les observations d’Erik, la prison ressemble à une tragédie bien réelle. Abus en tout genre, cellule incendiée, piqures d’infirmiers… la violence de l’enfermement prend toutes les formes. L’évasion devient une aspiration naturelle mais si lointaine. « C’est long quand on attend de naître. » La lumière revient mais nous n’en revenons pas. Nous sommes encore étourdis par ce tour de force artistique qui consiste à faire voyager par la plume et la voix des gens immobiles entre les quatre murs d’une prison ou d’un théâtre.

Guillaume Arias

 

Prison Possession par François Cervantes / Cie L’Entreprise : jusqu’au 25/01 à la Friche (41 rue Jobin, 3e).
Rens : 04 95 04 95 95 / www.lafriche.org

Pour en savoir plus : www.compagnie-entreprise.fr