Abstraxion

Portrait : Abstraxion

Vol de nuit

 

Figure discrète mais fort singulière des musiques électroniques à Marseille, Abstraxion revient avec une actualité assez chargée, dominée par un nouveau live et la direction artistique d’une imminente série de soirées au Cabaret Aléatoire. On fait le point.

 

Il y a un an tout juste, nous dressions le portrait de Harold Boué, un jeune producteur marseillais de musique électronique jusque-là peu connu en ses propres terres, mais dont le projet musical commençait à connaître un sérieux retentissement à l’échelle internationale. Opérant à la lisière de l’electronica et de la techno, avec une sensibilité tout en clairs-obscurs, il avait réussi à s’attirer les louanges de quelques-unes des stars du genre, et à sortir son premier album (Break of Lights) sur les labels de personnalités très influentes (les New-Yorkais Nicolas Jaar et Justin Miller). Ce genre de choses n’arrivant pas tous les quatre matins à Marseille, nous avions rencontré le garçon à domicile, à Malmousque, et vite été séduits par sa personnalité, sa vision artistique et, bien évidemment, sa musique. Cela pour dire que, lorsqu’il s’agit de revenir assez rapidement sur un artiste qui résonne en nous, et parce qu’il y a de l’actu, nous n’hésitons pas une seule seconde. Que s’est-il donc passé en une année pour Abstraxion ? Eh bien, pas mal de choses. La sortie de son album l’a naturellement amené à voyager aux quatre coins du monde, de Tokyo à Copenhague en passant par San Francisco. La semaine dernière, il était à Bogota pour y officier aux platines d’un club en plein air — le DJing reste l’une de ses diverses casquettes. Mais bien sûr, c’est avant tout son « live » audio-visuel — donc sa propre marque de fabrique — qu’il a essentiellement présenté ici et là. On se rappelle notamment de sa prestation en première partie de Darkside, le projet de Nicolas Jaar à qui il avait, ce soir-là au Théâtre Silvain, et de l’avis de beaucoup, volé la vedette. Un show qu’il a eu le temps de mûrir par la force de la scène, mais aussi de reconfigurer à l’occasion d’une récente résidence au Cabaret Aléatoire, où il a travaillé sur une sorte de version 2.0 : Wings.

 

Des racines et des ailes
« C’est un live qui repose toujours sur l’interaction entre la musique et le mapping (NDLR : une technologie multimédia qui permet de projeter des vidéos sur des structures en relief), mais nous l’avons totalement repensé avec Maxime Lethelier et Emile Palmentier, en charge de la partie visuelle. Il sera bien sûr modulable en fonction des salles et de l’espace, mais il s’appuie désormais sur de larges bandes de tulle en forme d’ailes, qui peuvent se déployer et donner davantage de profondeur à l’image. » Baptisé en référence directe à cette nouvelle structure, Wings est donc une version plus aboutie du show présenté jusqu’alors, toujours avec la contribution de son acolyte Julien Bouvier (guitare, batterie électronique), mais enrichi de nouveaux morceaux « plus pêchus » qui accentueront sa dimension dancefloor. Cela nous amène directement à l’avant-première de Wings, qui sera présentée au Cabaret Aléatoire dans le cadre d’une nouvelle série de soirées répondant au nom de Lab. Harold en prend la direction artistique, et il entend justement y montrer un visage plus expérimental, mais aussi plus club que celui derrière lequel on a pris l’habitude de le connaître… « C’est mon tourneur Bi-Pole, installé à la Friche, qui avait eu l’idée de la résidence au Cabaret. Comme ça s’était bien passé, on m’a proposé à sa sortie une carte blanche pour inviter des artistes sur un rythme bimestriel. Pour moi, l’enjeu est de proposer un line-up différent de ce qui se fait habituellement sur le créneau électro à Marseille. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que pour cette première, Harold n’a pas fait les choses à moitié : il a invité le Barcelonais John Talabot, révélation de ces dernières années dans un registre situé à la croisée de la house, de la pop et de la vague nu-disco… L’artiste n’a pour l’instant jamais joué à Marseille, et jouit actuellement d’une cote importante (son agenda est complet sur les prochains mois). A priori, on pourrait penser que la musique de Talabot est assez éloignée de celle d’Abstraxion. Ce dernier ne voit pourtant pas les choses sous le même angle : « Nous avons tous les deux un univers cohérent, sensible, rêveur et mélancolique, partagé entre des zones d’ombre et de lumière, et sa récente contribution à la série de compilations Dj-Kicks va dans ce sens. » C’est effectivement très juste.

 

Haute fidélité
L’autre actualité d’Abstraxion, c’est bien sûr sa musique : ses propres productions. Et de ce côté-là, les choses avancent doucement mais sûrement : il sortira dans les prochains jours un nouveau maxi sur Hakt (le label du New-Yorkais Justin Miller), qui n’aurait d’ailleurs pas démérité sur son album paru l’année dernière, tant il conserve dans ses gènes tout ce qui a fait sa singularité. Un autre maxi, enregistré avec le Danois Kasper Bjorke, sortira au printemps prochain, mais cette fois sur Biologic, la structure indé que co-dirige Harold avec le producteur belge DC Salas. Car 2015 viendra célébrer les dix ans de Biologic Records, c’est à dire (et en fin de compte) sa propre histoire en tant que musicien… Comment rester fidèle à une structure aux moyens limités, quand on a ensuite travaillé sur de la distribution avec des gens comme Nicolas Jaar ? « Biologic représente pour moi dix ans de musique, la sortie de mon tout premier maxi… et j’aime fonctionner sur des relations qui durent. Avec Diego (NDLR : DC Salas), nous en sommes aujourd’hui à cinq ou six sorties maxi par an, au format vinyle et digital. C’est très bien comme ça. Pour cet anniversaire, nous avons envie d’organiser une série de soirées labellisées Biologic dans plusieurs villes, sortir une compilation… rien n’est encore vraiment arrêté. » Se pose enfin la question du deuxième album, logiquement attendu, et sur lequel Harold a commencé à travailler. Avec une telle empreinte sonore, l’enjeu sera pour lui d’opérer une forme de changement (nécessaire, souhaité) dans la continuité. Mais ça, nous en reparlerons le moment venu.

PLX

 

Soirée Lab: le 28/11 au Cabaret Aléatoire (Friche La Belle de Mai, 41 rue Jobin, 3e), avec John Talabot (Dj), dans le cadre de la Nocturne de la Friche.
Rens. www.lafriche.org

Dans les bacs : I Can’t Ep (HAKT)

Rens. www.abstraxion.fr