L’interview : Ghédalia Tazartès

L’interview : Ghédalia Tazartès

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Musicien inclassable, auteur de quelques-uns des chefs d’œuvres de la musique expérimentale française, Tazartès est invité dans le cadre du Festival international du film chiant pour présenter son ciné-concert autour du classique de 1922 Häxan, la sorcellerie à travers les âges. La plus belle traversée des enfers.

Cela vous dérange-t-il d’être érigé en chamane ou en sorcier ?
Ça ne me dérange pas, ça me fait rire car ça ne correspond que de très loin à la réalité. Je n’ai rien d’un chamane. Je n’ai pas leur ascèse, leur pratique, les mêmes conditions de vie. Je n’ai même pas leur religion. Effectivement, ce que je fais est en lien avec le spiritisme, ou plutôt le spirituel, les esprits qui nous habitent. Mais c’est inhérent à la musique. Elle nous parle de la mort, c’est-à-dire de la vie, d’un début et d’une fin.

Votre savoir-faire a-t-il évolué depuis votre premier album, Diasporas, enregistré en 1977 ?
Mon savoir-faire, incontestablement, mais la qualité de mon art, pas du tout. Les morceaux de mes débuts ne sont pas moins bons que ceux plus actuels. De la même manière, je constate que Picasso n’est pas meilleur que les peintres des grottes de Lascaux. Je ne crois pas du tout au progrès en art. Après, le train va plus vite que le cheval, incontestablement…

Peut-on dire que vous faites le pont entre folklore et avant-garde ?
Oui, sauf que je ne connais vraiment ni l’un ni l’autre. Je ne pars pas d’un folklore, ce qui m’a coûté cher d’ailleurs : je n’ai par exemple jamais pu signer chez Harmonia Mundi.

Qu’est-ce qui vous inspire ?
Tout. A commencer par la musique : Mahler, le jazz, les folklores… Dans ma jeunesse, je fus l’un des tout premiers de mon entourage à écouter de la musique japonaise.

Vous avez récemment sorti un disque avec Berrocal et Fennech…
Je le déteste.

Pourtant, le titre de l’album est Superdisque
Fennech est un ami qui avait déjà publié un de mes disques, et Berrocal également quelqu’un que j’admire. J’étais d’accord pour jouer avec eux, comme ça, autour d’une bouteille de vin. Et puis Fennech a voulu sortir ce disque avec ce qui a été enregistré. Je m’y suis opposé, puis j’ai baissé les bras parce que ça leur faisait plaisir.

Quelle est l’origine du projet musical autour du film Häxan ?
C’est mon tourneur qui m’a donné l’idée. Et vu qu’on me considère comme un chamane, je me suis dit que ça allait être la cerise sur le gâteau. Les premières fois où je l’ai joué, mes interventions étaient modestes. Et puis, au fur et à mesure, elles ont pris plus d’ampleur. Ce film est magnifique.

Les démons vous fascinent-ils ?
Non, mais je suis persuadé que le Mal existe.

Etes-vous superstitieux ?
Non, il n’y a d’ailleurs pas besoin d’être superstitieux pour savoir que le Mal existe.
Propos recueillis par Jordan Saïsset

Ghédalia Tazartès plays Häxan : le 21/04 au Cinéma Les Variétés (37 rue Vincent Scotto, 1er).
Rens. 04 96 11 61 62 / www.grim-marseille.com