Le Réunionnais Danyel Waro

Festivals éclectiques de musiques d’ici et d’ailleurs

Particularismes élémentaires

 

Tour d’horizon des festivals éclectiques de musiques d’ici et d’ailleurs, en prenant garde à ne pas (trop) mettre le pied sur des étiquettes.

 

Ce n’est pas une nouveauté : les étiquettes, en matière musicale, et dans la vie de façon générale, n’ont jamais fait dans la dentelle. D’autant que dans le contexte globalisé dans lequel nous évoluons, elles soulèvent souvent des problèmes sociaux et politiques qui dépassent de loin le simple cadre de l’artistique, des problèmes relevant des rapports dominant/dominé surtout, qui prennent d’ailleurs souvent appui sur un ethnocentrisme occidental toujours bien en vogue. A moindre mesure, elles nous rappellent en filigrane que notre conception de la musique est intimement liée à notre environnement social, notre éducation et, plus largement donc, à l’ensemble de la société dans laquelle nous vivons.
Comment alors tisser un lien entre ces festivals estivaux qui font le pont entre les musiques d’ici et d’ailleurs sans se casser la pipe sur des conceptions réductrices que l’on assignerait aux musiques extra occidentales ? « Musique du monde », « world music » ? Mais qu’es aquò ? Si nous sommes d’une façon ou d’une autre contraints au jeu des étiquettes, nous y préfèrerons le pluriel, nous y préférerons leurs particularismes…
Ainsi, à Miramas, le festival Les Nuits Métis parle de « musiques mondiales », sans tomber dans l’écueil, et c’est tout à son honneur. Preuve en est de sa bonne foi : faire le pont entre le local et l’universel (l’un et l’autre indissociables), via une « programmation aux cultures croisées » où le reggae de Tiken Jah Fakoly et Yellam rencontre l’Occitanie de Du Bartàs ou Miquèu & Balthazar Montanaro, le souffle oriental d’Orange Blossom, Temenik Electric, la soul hybride de Siska ou la « Mediteranean urban music » de l’ensemble Electrik GEM. Et cela entre concerts (sur un très beau site), rencontres à la médiathèque, participation intergénérationnelle et interventions dans des établissements scolaires. Où la transmission des savoirs opère. Il en va de même pour l’unique ZinZan Festival, ce « laboratoire des musiques et danses populaires » spécialisé depuis les Alpilles dans le renouveau musical des Pays d’Oc sous toutes ses formes, de la chanson aux expériences transgenres en passant par le balèti. Entre concerts donc, stages, rencontres, animations en tout genre et expo de luthiers, on pourra y croiser entre autres Joan-Francès Tisner, Lo Barrut, Aquèles ou Les Violoneuses… On reste dans le coin pour les incontournables Suds, à Arles, plus tôt dans l’été, qui entament une vingt-et-unième édition en combinant mastodontes et découvertes : lorsque la musique balkanique d’Emir Kusturica croise les bourrées des Beach Bougnats et la folk kabyle de Yelli Yelli, la nouvelle chanson électro occitane de Uèi, la pop traditionnelle de Chassol, la fusion jazz du oudiste Anouar Brahem et le fameux maloya de Danyèl Waro. A Arles toujours, rendez-vous est donné pour le familial Convivència, « synthétisant la manière occitane grande ouverte sur le monde de vivre ensemble », autour de rendez-vous qui oscillent (entre autres) entre reggae (Broussaï), musiques et poésies arabes (Waed Bouhassoun), tarentelles (Officina Zoé) ou fusion blues du delta/lamento (Delgrès), de concerts en expositions, table ronde autour des alternatives économiques et des « circuits courts », jeux, ateliers d’écritures et rencontres…
A Aix cette fois, Zik Zac s’attache, dans une dimension plus modeste, à croiser sur trois jours influences éclectiques (de General Elektriks à Cheba Zahouania en passant par Yann Cleary et Mbongwana Star), spectacles jeunes publics, ateliers de percussions et street art. Début juillet, on fait un détour par l’Arbois en direction de l’Etang de Berre pour le Vitrolles Sun Festival, où Keziah Jones croise Sinsémilia, Mauresca, la Cumbia Chicharra et Naâman. Dans cette même volonté, propre à l’asso’ organisatrice Massilia Cosmopolitaine, de constituer une fenêtre sur ses musiques et mouvements faits de croisements et de passages, où les traditions d’ici et d’ailleurs se réinventent et se conjuguent naturellement au présent. De l’autre côté de la Provence, dans le Var, Néoules se drape aussi d’un évènement de la même trempe où Alpha Blondy croise entre autres Biga Ranx et HK & Les Saltimbanks… A la mi-juillet, on monte cette fois jusqu’à Vaison-la-Romaine pour le Festival Au Fil des Voix, qui consacre sa neuvième édition aux musiques insulaires, de la Guadeloupe à la Réunion en passant par Chypre, le Cap-Vert et Madagascar, de Kassav’ au Justin Vali Trio… Et l’on redescend par Carpentras jusqu’au petit village de Robion, qui soufflera dès la mi-juillet ses vingt bougies en forme de voyage sur les cinq continents. De voyage, il en est donc question, mais de ces voyages qui se font aussi bien au pas de la porte, de l’autre côté de la rue ou à l’autre bout du monde.

Jordan Saïsset